
La journée des Doctoriales se tiendra le jeudi 10 novembre 2022 à la MILC à partir de 10h, sous la tutelle de la MOM.
Celle-ci aura pour thématique « L’Homme face aux crises ».
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- programme (.pdf)
Programme détaillé :
Mercredi 9 octobre - 18h
Conférence inaugurale des Doctoriales de la MOM
Bien gouverner en temps de crise : l’empereur, le peuple et les émotions
Hélène Ménard, maître de conférences en histoire romaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, CRISES
Jeudi 10 octobre - matinée
10h00 - Accueil
10h15 - Introduction par Sabine Fourrier, directrice de la MOM et présentation de la journée par les membres du comité d’organisation
L’Homme face aux crises - Résumé des communications
10h30 - Adrien Frénéat (Doctorant de 2e année, Université Lumière Lyon 2, Archéorient)
Ernest Chantre (1843-1924) et la Protohistoire européenne. "Tempête sur un crâne" : note sur l'affaire Chantre à Lyon (1908).
La biographie d'Ernest Chantre (1843-1924), pionnier de la Protohistoire européenne et anthropologue au Caucase, en Égypte et en Tunisie, éclaire de façon nouvelle une crise qui a marqué la communauté savante de Lyon à la Belle Époque. En 1908, Ernest Chantre, alors sous-directeur du Muséum d'histoire naturelle de Lyon, entre en conflit avec son supérieur et ancien ami, Louis Lortet (1836-1909). Le premier différend officiel concerne un crâne préhistorique égyptien présenté par Lortet à la Société d'anthropologie de Lyon. S'ensuit une succession d'accusations graves, comme celles de plagiat dans les Recherches anthropologiques en Afrique orientale, Égypte et Nubie publiées par Ernest Chantre en 1904. Relayée par les journaux lyonnais, la crise s'envenime par la brochure de Louis Lortet intitulée La Vérité (1908). Quelles sont les conséquences de cette crise sur l'activité d'Ernest Chantre ? Que dit-elle des conflits scientifiques à Lyon vers 1900 ? Enfin, comment la communauté archéologique se saisit-elle de la controverse ? Des archives inédites, issues de fonds très divers, publics, privés, en France et à l'étranger, viennent préciser la profondeur d'une telle crise entre deux individus. Celle-ci est révélatrice des anciennes divergences scientifiques à Lyon. La communication proposée sera ainsi l'occasion d'arranger et de confronter les différentes sources, puis de penser les conséquences du conflit au sein du Muséum d'histoire naturelle de la ville.
11h00 - Amber Goyon (Doctorante de 2e année, Université Lumière Lyon 2, HiSoMA)
Reconstruction paléoenvironnementale d’un milieu anthropisé dès l’époque étrusque : le cas de la cité de Populonia.
La cité étrusque de Populonia est un des centres majeurs de la métallurgie au Ier millénaire avant J.-C. Seule cité en position littorale, elle est notamment décrite dans les textes comme un pôle d’échange principal au cœur de la mer Tyrrhénienne, entre la Méditerranée occidentale et orientale. Sa renommée est liée aux minerais de l’île d’Elbe et de la Colline Metallifere sur le continent qu’elles exploitent, en particulier le cuivre puis le fer, qu’elle traite afin d’exporter des produits semi-finis et finis. Cette industrie connaît un véritable essor à la fin de la période étrusque, changeant le paysage pour les siècles à venir. De fait, les déchets de la métallurgie restent in situ et s’étendent encore sur plusieurs mètres d’épaisseur dans les quartiers portuaires et artisanaux lorsque les premiers inventeurs du site redécouvrent Populonia. La quantité de scories est si importante qu’elles sont réutilisées au début du XXème siècle par les usines et aciéries toscanes. Une telle activité n’a pu qu’avoir un impact significatif sur l’environnement de Populonia et ses alentours, en suivant la chaîne opératoire du traitement du métal : de la mine à la forêt, puis au port, du minerai au produit transformé, stocké puis transporté. Ces effets anthropiques ont pu contraindre le milieu à répondre de manière critique et induire une crise environnementale se répercutant, in fine, sur l’Homme. La reconstitution du milieu de Populonia depuis le Ier millénaire avant J.-C. et les premières « sociétés » hiérarchisées représentent alors un enjeu pour la compréhension de l’anthropisation dès le début de l’Holocène, de l’évolution des paysages méditerranéens palimpsestes, si modifiés par la main de l’Homme et l’appréhension de la civilisation étrusque.
11h30 - Nikolaos Emmanouil Michail (Docteur diplômé en 2022, Université Lumière Lyon 2 et Université Nationale et Capodistrienne d’Athènes, Université de Pau et des pays de l’Adour, IRAA)
Modifier l’image, conserver l’usage ? Les réfections sur l’Agora romaine de Delphes.
Identifier, interpréter et dater les traces que laisse une crise sur un contexte archéologique est une tache parfois compliquée mais dont les récompenses ouvrent des perspectives diverses : l'étude des témoignages d'une crise permet non seulement de la définir mais aussi d'explorer les réactions des communautés qui l’a subie. Ce double intérêt que présente l’étude des crises se trouve au cœur de mon intervention dont l'objet est le monument traditionnellement appelé Agora romaine de Delphes. Si la recherche avait déjà identifié une phase de réfection, l'étude récente sur l'architecture du monument, dans le cadre ma thèse, a permis d'approfondir sur l'histoire du complexe architectural et définir plus précisément la nature des réfections réalisées durant la seconde moitié du IVe s. apr. J.-C. Il semble que l'ampleur de l'activité de réfection était plus importante que celle qu'on croyait jusqu'à maintenant, ce qui indique en même temps une catastrophe aussi importante. Il est également possible d'identifier les priorités des responsables des réfections : réparer la construction, assurer sa stabilité et, par conséquent, la continuation de son usage. Dans ce cadre, on atteste des interventions précises et efficaces qui sont destinées à remettre l'Agora romaine, le plus tôt possible, à la disposition de la communauté delphique.
12h00 - Eloïse Pont-Campos (Doctorante de 2e année, Université Lumière Lyon 2, Archéorient)
Ruptures et héritages socio-écologiques en Asie centrale : le kolkhoze comme première lecture des modifications de l’environnement par les sociétés.
Produire une reconstitution paléoenvironnementale holocène à l’échelle de l’Asie centrale nécessite de repenser le rapport à l’espace et aux temporalités de cette région, en tenant compte de sa grande diversité de milieux. La difficile harmonisation des données environnementales (Solomina et Alverson, 2004) suggère un intérêt accru pour l’étude du facteur anthropique, dont l’irrigation figure comme marqueur déterminant. Cette technique s’est particulièrement développée depuis l’Antiquité au moins (Oberhänsli et al, 2007) et a engendré d’importantes modifications hydro climatiques régionales (Shibuo et al, 2007). Dans les anciennes républiques soviétiques, l’intensité et l’extension de ces activités issues des mutations agricoles du siècle dernier (Bloch, 2002), ont malgré leur courte durée à l’échelle de l’Holocène, conduit à une forte reconfiguration paysagère et environnementale. Une analyse des dynamiques agraires récentes ayant profondément modifié le milieu constitue ainsi un préalable essentiel à l’étude rigoureuse des paléoenvironnements d’Asie centrale. Il s’agit donc d’appréhender les sociétés rurales en tant que systèmes socio écologiques (Ullah et al, 2009), pour resituer leur influence dans le fonctionnement hydrologique et la formation des paysages actuels, ainsi que pour évaluer leur pression sur la conservation des vestiges des dynamiques passées. La communication portera sur l’étude du rôle des changements agraires impliqués par la mise en place et le démantèlement des kolkhozes dans l’évolution des environnements et des paysages régionaux. Elle propose donc une lecture des mutations les plus récentes, dont la marque sur les paysages actuels, par la perturbation de l’hydrosystème, est flagrante. Cette démarche constitue une première étape dans la reconstitution des paysages en interaction avec les sociétés passées, en travaillant sur des temporalités plus courtes et en évaluant le degré d’effacement des réseaux d’irrigation, des parcellaires et des paysages anciens qu’elles ont impliqués.
Jeudi 10 octobre - après-midi
Présentation de projets de recherche de doctorant.e.s de la mom
14h00 - Matteo Pili (doctorant de 2e année, Université Lumière Lyon 2 et Università degli Studi di Firenze, Archéorient et Dipartimento di Scienze della Terra)
Histoire de l’évolution des paysages de la façade maritime étrusque (Toscane, Italie) par l’utilisation de la palynologie.
Pendant près d'un millénaire (IXe - Ier siècle avant J.-C.), la civilisation étrusque a laissé des traces importantes (villes, établissements, routes, réseaux, nécropoles, etc.) sur le territoire sur lequel elle s'est développée. Mais les signes et l'influence que cette civilisation a produit sur son environnement restent peu connus, notamment dans le sud de l'Étrurie. En effet, le long de la façade maritime tyrrhénienne, de Populonia (Toscane méridionale), en passant par Orbetello et jusqu'à la frontière avec le Latium, les données paléoenvironnementales sont éparses. L'un des outils les plus efficaces pour la reconstruction et l'interprétation des paysages passés est le pollen. Il s'agit en effet d'un excellent bioindicateur, qui permet de reconstruire à la fois les changements climatiques et de végétation dans le temps et les traces de l'impact anthropique passé et actuel, comme l'émergence des pratiques agricoles. Nous avons donc extrait et échantillonné trois carottes provenant de trois sites côtiers du sud de la Toscane, situés à proximité d'anciens établissements étrusques ou romains. Ces carottes nous ont permis d'obtenir un enregistrement sédimentaire jusqu'à il y a environ 5000 ans, enregistrant ainsi les plus importantes fluctuations climatiques des derniers millénaires. L'analyse du contenu en pollen et autres micro-restes organiques (dinokystes, NPPs) est en cours. Nous avons également collecté des échantillons de surface et de mousses sur les trois sites, afin de mieux comprendre la composition végétale actuelle et d'évaluer l'ampleur de l'impact des activités humaines par rapport au passé. Les résultats de l'étude palynologique sont intégrés dans une recherche plus large visant à comprendre l'évolution géomorphologique du littoral au cours des derniers millénaires, avec l'appui d'outils tels que l'analyse du contenu des coquilles et des ostracodes pour enregistrer l'ampleur des apports marins ou continentaux dans les lagunes.
14h30 - Elvira Dinu (doctorante de 2e année, Université Lumière Lyon 2, HiSoMA).
Fuir, gouverner et représenter le monde dans l’Occident latin aux IV e-V e siècles ap. J.-C.
Cette présentation a pour but d’illustrer des différentes conceptions et perceptions du monde (mundus, orbis, saeculum, civitas) dans l’Antiquité tardive dans le contexte du changement de paradigme opéré par la christianisation de l’Empire au IVe siècle et par la chute de l’Empire romain d’Occident au Ve siècle. En me fondant sur l’analyse des sources, je me propose d’identifier les trois principales définitions du monde dans l’Antiquité : 1) le monde comme société humaine, avec ses coutumes, ses valeurs et ses normes ; 2) le monde comme lieu et système de pouvoir ; 3) le monde comme représentation idéale. Ma communication s’articule donc en trois grands axes différents et interconnectés, qui suivent ces trois définitions : 1. Fuir et mépriser le monde. Ce premier axe interroge le monde comme société humaine et comme système de valeurs. Dans cette conception, fuir le monde revient à fuir les valeurs qui lui sont identifiées : le pouvoir, la richesse, les plaisirs, la beauté, la force, la bonne réputation, la noblesse, etc. 2. Gouverner le monde. Cette partie se propose d’interroger le monde en tant que lieu et système de pouvoir. Pour cela, je m’attacherai à comprendre la conception du monde adoptée par les premiers gouverneurs du monde chrétien, les évêques, dans l'annonce du message évangélique. 3. Représenter le monde. Dans cette troisième partie, je souhaite évoquer le monde à travers ses représentations cartographiques. J’interrogerai ainsi la manière dont l'Antiquité nomme les cartes et dans quel but le monde est représenté à travers elles.
15h00 - Myriam Sarri (doctorante de 4e année, Université Lumière Lyon 2, HiSoMA).
Le statut d’une statue, de la Pietas-Ευσέβειας au collectionnisme.
L’artisan sculpteur ne représentait dans l’Antiquité qu’un relai entre profane et sacré, mortels et immortels, permettant de donner vie aux divinités en les personnifiant. Cet aspect d’être vivant se trouve renforcé par l’évolution des canons esthétiques de la statuaire, puisque l’on passe d’œuvres statiques avec les kouroi et les koré à des œuvres mouvantes représentant de réelles scènes, comme prises sur le vif. Cette personnification autorise une certaine identification qui rend ainsi les dieux plus accessibles et plus proches des êtres humains. Liminairement, ce changement de statut s’est majoritairement opéré lors du passage du monde grec au monde romain, avec une transition qui court du IIIe siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.‑C. Avant que n’existe la notion personnelle de collectionnisme chez les Romains les plus fortunés, le statut des œuvres demeure inchangé. En effet, elles se voient transférées d’un lieu religieux à un autre, ornant désormais les temples de l’Urbs, pour certaines, tandis que d’autres passent d’un environnement profane à privé, ou elles se verront proposées à un public choisi et restreint, permettant la mise en scène de la culture et de la richesse de leur propriétaire. L’époque moderne et la “folie des Antiques” perceptibles au travers du collectionnisme des élites, romaines, italiennes, puis européennes, replacent les statues au cœur de lieux profanes et privés, réactivant ainsi une pratique déjà mentionnée pour l’Antiquité. La réévaluation post‑révolutionnaire de l’accès aux œuvres pour la communauté civique conduit au retour de la fonction d’exhibition d’origine, destinée au plus grand nombre. L’objectif de cette présentation est de retracer le chemin possible des statues grecques, pillées ou achetées par les Romains. Il s’agit également d’aborder les changements d’interprétation des œuvres par leur passage de la Pietas-Ευσέβειας, à l’avidité des nouveaux propriétaires romains, en passant par le collectionnisme moderne et son parallèle romain coaceruare/colligere.
15h15 – Pause
15h45 - Alyssa Turgis (doctorante de 2e année, Université Lumière Lyon 2, ArAr).
Science des données et archéologie : méthodologie d’étude des objets de l’époque romaine.
Dans les Gaules et les Germanies, les sites sont de nature diverse et livrent un grand nombre d’objets archéologiques touchant à tous les aspects de la vie quotidienne. Ces objets, dont la variabilité des formes et des matériaux est grande, sont autant de marqueurs de la culture matérielle d’un groupe social que les indices d’occupation d’un site. En fondant notre réflexion sur une approche pluridisciplinaire, ce travail de thèse vise à étudier la contribution des méthodes de la science des données à l’étude des objets de l’époque romaine. Chercheurs et jeunes chercheurs sont encouragés dans l’ouverture de leurs données de recherche, mais aussi à s’inscrire dans un écosystème de recherche régi par des principes tels que l’accessibilité, l’interopérabilité, la réutilisation et le partage. Ce travail vise donc à s’inscrire dans une pratique nouvelle de l’archéologie, dont l’originalité tient dans le traitement des données massives ou big data en archéologie à travers la mise en place d’une méthodologie d’étude des assemblages de mobilier des sites de l’époque romaine. De fait, la question des big data en archéologie – de leur gestion à leur utilisation et pérennisation, se pose aujourd’hui réellement à cause (ou grâce à) l’augmentation exponentielle des données issues de l’archéologie préventive. La question principale de cet exercice est de savoir ce que nous dit le corpus du mobilier archéologique romain lorsqu’il est étudié dans sa globalité, et non plus uniquement à l’échelle d’un site. Cette analyse globale des données de la recherche en archéologie peut apporter des éléments de réponses, ou du moins de réflexions, sur des questions importantes comme celle de la mise en évidence (ou non) d’assemblages d’objets caractéristiques d’un type d’occupation ; ou encore, celle de l’étude des groupes sociaux, de leurs représentations, organisations et interactions à travers la culture matérielle.
16h15 - Nicolas Herreyre (doctorant de 1ère année, Université Lumière Lyon 2, ArAr).
Nouvelle approche physico-chimique pour la datation des mortiers.
La datation en archéologie du bâti repose sur la présence de certains matériaux que l’on est capable de dater, tels que les terres cuites architecturales, les pièces de bois, le fer ancien ou le charbon. Néanmoins, leur présence et conservation ne sont pas systématiques et leur datation n’est qu’un moyen indirect de donner un âge à la construction d’un édifice. Le mortier est le seul matériau qui est propre à chaque phase de construction du bâti et a la particularité d’avoir été exploité pour de multiples fonctions architecturales, ce qui en fait un matériau quasi ubiquiste de l’architecture et un candidat optimal pour dater le bâti. La datation du phénomène de carbonatation du mortier, c’est-à-dire sa prise par fixation du CO2 atmosphérique, apparaît depuis presque 60 ans comme le procédé idéal. Mais il se heurte à la complexité des mortiers et les multiples carbonates de calcium qu’ils peuvent contenir, géologiques ou secondaires. Leur présence induit des erreurs de datation qui peuvent vieillir les âges 14C pour les premiers et les rajeunir pour les seconds. Depuis quelques années, pour que la datation directe du mortier par le radiocarbone fonctionne, le consensus des chercheurs repose sur la présélection des mortiers et leur caractérisation. Mais cela s’apparente à un moyen de contourner le problème, sans être pour autant très efficace encore. Dans l’optique d’apporter une solution qui pourrait s’affranchir de cette présélection et d’une caractérisation multi-méthode chronophage, mon projet de thèse a pour objectif de mettre au point et valider une nouvelle méthode physico‑chimique de caractérisation et de datation du mortier de chaux. Basée sur un système tout-en-un qui sera assisté par un algorithme d’intelligence artificielle, son principe repose sur une caractérisation de la surface d’un mortier par la technique d’imagerie LIBS (Laser induced breakdown spectroscopy).
16h45 - Présentation des Labos Junior de la MOM
17h00 - Conclusions