Appel à projet interne 2022 | Projet retenu
C.R.A.F.T. (Cognitive Research in Archaeology of Fossil Techniques)
Projet porté par Johnny Samuele Baldi du laboratoire Archéorient en collaboration avec le laboratoire ArAr
Ce projet propose une étude archéologique expérimentale et, pour la première fois, sensorielle des chaînes opératoires pratiquées lors de la production des céramiques confectionnées dans des ateliers anciens récemment identifiés ou en cours de fouille au Proche-Orient (Syrie, Irak, Liban, Jordanie). Ce programme, qui réunit des chercheurs et des structures d’Archéorient et ArAr, se focalise sur l’analyse des modalités de cuisson des céramiques anciennes dans des fours de différentes typologies.
Le but est, d’une part, de reconstituer les techniques de cuissons par une approche expérimentale suivant un protocole établi et vérifié sur la base des données de fouille. Ainsi, des pots aux caractéristiques très proches des vases anciens seront cuits dans les mêmes conditions et dans des fours présentant les mêmes attributs architecturaux et techniques observés lors de la fouille d’anciens ateliers. D’autre part, le but est d’établir un référentiel sensoriel et cognitif des catégories et des perceptions ayant guidé le travail des artisans anciens, et notamment leurs comportements lors des cycles de cuisson dans le cadre des différentes techniques adoptées. De ce fait, l’étude de la chaîne opératoire (le cas échéant, des procédés de cuisson) se fera non seulement à partir de la perspective étique de l’archéologue-céramologue actuel, mais, pour la première fois, également à travers la perspective émique des artisans, en reconstituant les catégories visuelles, acoustiques ou tactiles ayant orienté leur connaissance empirique des matériels, ainsi que leurs moyens d’appréhender les solutions techniques privilégiées.
Cette double approche, intégrant à la fois analyses des produits finis et perceptions physiques lors des processus de production, ouvre la voie à une lecture fine de l’organisation du travail, des échanges et des interactions au sein des ateliers de potiers anciens. Ces relations techniques et culturelles ne se font pas en fonction du pourcentage d’une certaine inclusion dans une pâte ou d’une température à relever au thermomètre, mais plutôt sur la base du partage, de l’acceptation ou du refus de comportements et gestes spécifiques lors du travail.[1] Par conséquent, la construction d’un référentiel de catégories cognitives liées aux perceptions lors des passages critiques de la fabrication des vases – et notamment de la cuisson – permettra d’aborder les dynamiques anthropologiques sous-jacentes aux phénomènes d’emprunt, hybridation, différentiation ou homogénéisation techniques s’étant produits entre les différents groupes de producteurs au sein des ateliers anciens.
[1] MANZO, G., GABRIELLINI, S., ROUX, V., NKIROTE M’MBOGORI, F. 2018. Complex Contagions and the Diffusion of Innovations: Evidence from a Small-N Study. Journal of Archaeological Method and Theory 25.4, 1109-1154.