Roland de Mecquenem - Archives de Suse

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Cote conservation : F/17/17258 / Document original conservé aux Archives Nationales, Paris.

Ière Partie :
Travaux de fouilles.

La Mission de Susiane se trouva rassemblée à Suse le 26 Janvier, 1937. Elle comprenait cette saison : Mr. R de Mecquenem, Directeur des Fouilles, Mr. et Mme Moghadam, Inspecteurs du Service des Antiquités de l'Iran, Mr. J.M. Unvala, docteur en philologie, Mr. J. Michalon, architecte diplômé.

Du 30 Janvier au 4 Février, la Mission contrôla les sondages, effectués la saison précédente à Tépé Bendebal ; le 6 Fév. elle visitait Tépé Bouhallan. La préparation de chantiers de Suse, commencée le 26 Janvier, fut terminée le 6 Février et les fouilles commencèrent à Suse, le 7 février, pour se terminer le 20 Mars. Il fut employé environ mille ouvriers, répartis entre 65 équipes et six chantiers : Acropole, Ville Royale 1 et 4, Donjon, Ville des Artisans, Tépé Bouhallan.

ACROPOLE

Chantier n° 2, au Sud du Tell ( pl. I et II,1 ) .

Au sud-est du chantier, du Niveau II, (environ 10 m. au dessous de la surface primitive) à -3m.,50.

Les tablettes proto-élamites apparaissent dans le premier tiers de la fouille ; jusqu'à -3m, nous rencontrons des fours, des restes de constructions, dont les murs, en briques crues et terre pilée, sont conservés sur une hauteur de 0m.,20 à 0m.,75. Les sols de chambres sont des lits de graviers, ou de terre battue, parfois durcie (p. 2) au feu ou recouverte d'une natte de roseau. Il semble qu'il s'agit de fondations et de caves, plus ou moins habitées pendant l'été. Des conduites d'eau, soit ouvertes, soit cylindro-coniques sont souvent posées sur des briques rectangulaires, longues et minces. Nous trouvons des tombes d'enfants : parfois les ossements placés dans de grands vases sont discernables ; en général, la tombe se reconnaît au mobilier : vases à oreillettes percées, vases à anses surélevées, à becs ouverts ou dirigés vers le haut, grandes marmites - vases de pierre, gypse et aragonite, collier de perles, cylindres et cachets, amulettes (parmi celles-ci, citons deux petits sangliers en marbre rouge, aux yeux incrustés de pâte blanche, et dont les pattes de derrière sont réunies pour former une sorte de spatule pointue) - le cuivre est rare ; il est représenté par un outil, un paquet de celts réunis par l'oxyde, des épingles dont la tête est parfois ornée ; nous avons recueilli des supports en pierre pour gonds de porte, des têtes de masse ou de canne, des fusaïoles en terre cuite, en gypse, en aragonite, des grosses billes, en bitume, en marbre ; on trouve d'assez nombreux fragments de vases de terre cuite ornés de peintures rouges et bleu-noir en dessins géométriques, dont la couleur est presque effacée.

Les résultats étant plus intéressants à la base de la fouille, nous avons poursuivi en profondeur au-dessous des tranchées précédentes.

-3m50 à -5m. Vers l'est nous avons presque aussitôt atteint le niveau des écuelles grossières et des vases à becs dirigés vers le bas ; nous avons recueilli des empreintes de sceaux sur bouchons de terre crue et des tablettes ne comportant que des chiffres. Ces empreintes sont parfois curieuses : l'une d'elles montre un temple élevé sur une plate-forme et des personnages dont un archer ; une autre montre le retour de la pêche : la barque, à proue relevée, est laissée (p. 3) à la garde d'un batelier muni d'une longue perche. Les pécheurs partent avec leurs prises. Vers l'ouest, nous trouvons des tombes d'enfants : l'une d'elles présentait une grande marmite, un petit vase à bec ( pl.IV,1 ), un autre à quatre oreillettes, deux vases hauts, un vase conique, une collection de poids en forme de petits pions, un poids en forme de clochette, un cachet en forme de sanglier, des perles cylindriques en fritte, losanges en aragonite, une épingle en cuivre.

Le niveau inférieur, -4m à -9m. a été exploité à environ 40 m. au sud du chantier précédent. A l'est, en bordure du tell, le niveau des écuelles grossières apparaît à 1m. de profondeur, et, vers l'ouest à 2m. Au-dessus, se rencontrent des tablettes protoélamites très primitives, des vases peints, des fragments de vases peints à décors géométriques en noir sur fond rouge. Nous rencontrons des tombes d'enfants : l'une montrait le squelette d'un enfant de moins de 12 ans, couché sur le côté, les membres fléchis, la tête au sud ; le mobilier comprenait un collier de perles de terre cuite, de 4m de développement, des perles de cornaline et de pâte, un cachet archaïque, une fusaiole de terre cuite, une lame de silex. Une tombe, un peu plus profonde, montrait les restes d'un enfant, pris entre deux nattes ; près de lui, des écuelles grossières, un vase biberon, une lame de silex, un poinçon en os, un cachet et un fragment de cachet. Nous avons trouvé des épingles en cuivre, de nombreuses fusaïoles de terre cuite, un petit flacon à trois goulots. - Dans la hauteur moyenne, se trouvaient des constructions en briques crues, aux murs très massifs, mais sans continuité, des fours, des puits de drainage ; au milieu des ruines, on rencontrait des tombes d'enfants, indiquées par des paquets d'écuelles, de vases à quatre oreillettes ou à anse surélevée ou à poignée versoir ; des vases en pierre et bitume taillé, des cônes (p. 4) en terre cuite, des cachets plats ; nous avons recueilli des lames de silex et une lame d'obsidienne prises dans leur enduit de montage ; cette dernière est la première que nous avons trouvé dans cette condition ; une autre trouvaille exceptionnelle est celle d'une défense de sanglier, également prise dans une pâte bitumineuse, pour servir de couteau ou d'outil ; il est curieux de remarquer que la défense se dit "lame" en dialecte louri. Nous avons également trouvé deux outils, l'un en cuivre, l'autre en os, pouvant servir de poinçons, avec un manche ovoïde en bitume - des pesons, des percuteurs, en pierre - des bobines ou poids de filet, en terre cuite, des balles de fronde en terre crue, une pointe de flèche en os, de faucilles en terre cuite ; nous avons rencontré, à -7m des briques cuites (0m.,30 x 0m.,15 x 0m.,07). À la base du chantier, à l'est, se trouvaient des empreintes sur terre crue et des fragments de vases de Suse I.

La couche inférieure a été explorée ; -9m. à -11m.

Nous avons trouvé plusieurs tombes d'enfants de la plus ancienne civilisation susienne ; elles renfermaient chacune un petit vase peint et un cachet ; on trouvait parfois des figurines d'animaux ( pl.IV,3 et pl. VI,1 ) , surtout des poules et des perdrix, et nous avons reconnu nettement des fragments de figurines humaines, dont une représentant un homme, est peinte et assise ( pl.VI,1 ) . Vers l'ouest du chantier, la civilisation précédente, dite des écuelles grossières était encore représentée par une épaisseur de 0m.,75 et a fourni un lot d'empreintes sur terre crue, comme celles du niveau précédent à l'est ; nous avions eu la saison précédente, un lot d'empreintes analogues et l'originalité des représentations nous avait frappé ; nous hésitions à les attribuer à la civilisation de Suse I ; cette saison, nous les avons trouvé accompagnées de céramique du niveau supérieur, qui correspond (p. 5) au niveau IV. de Ouruk-Warka. Les personnages sont vêtus de longues robes ou de pantalons, coiffés de bonnets ou de tiares aux grandes proportions ; le soleil, la lune, apparaissent dans le champ avec une facture rappelant plutôt l'art de la fin du IIIème millénaire que l'art de Suse I ; les personnages des plus anciens vases peints sont vêtus de pagnes courts et ne paraissent pas coiffés ; même originalité dans les empreintes de ces cachets boutons sans personnages : quelques unes montrent des animaux, mais plus généralement une croix, à centre indiqué par un petit carré, et dont les branches égales se terminent par des sortes de fleurons. Ces empreintes sont du reste très différentes de celles que nous avons trouvées dans la couche supérieure ; notons que les cachets et les cylindres qui servent à les produire nous manquent.

Nous avons poussé jusqu'à -11m. la fouille de la couche archaïque dans l'ouest de la tranchée ; il nous a semblé que nombre des fragments de vases peints recueillis n'appartenaient pas aux vases de la nécropole ; les stylisations de motifs sont différentes et se rapprochent davantage du style des vases trouvés en dehors de Suse.

Chantier No.3, à l'ouest de la tranché Morgan.

Nous avons travaillé là au début de la saison : le chantier avait été préparé les années précédentes : il s'agissait d'explorer l'ancienne bordure du tell, que les constructions du village de Suse ne nous permettent plus d'aborder autrement. Au-dessous du IIème Niveau, nous avons trouvé des vases de terre cuite et un petit vase de plomb ; à l'étage inférieur, des fragments de vases peints.

Chantier No.4, au centre du tell.

Une recherche antérieure, vers 1911, avait fouillé le centre du tell (p. 6), jusqu'à -4m.,50 au-dessous du IIe niveau ; nous avons voulu en profiter pour reconnaître l'existence et l'épaisseur de la couche archaïque sur ce point. Nous avons tracé un sondage de 17 m. de longueur et 8m. de largeur ; il a été descendu à -5m.,70 ; nous avons commencé de l'approfondir sur une largeur de 6m. Nous sommes parvenus à -6m.,10. Il faut encore peut-être descendre de 3m. pour rencontrer la couche désirée. Nous avons trouvé dans ce travail, des sols en terre pilée recouverte de chaux et de nombreux cônes et clous décoratifs, tantôt réunis en paquets, tantôt disséminés sur une longueur d'environ 1m. Ces amas avaient été jusque ici considérés comme des dépôts de fondation ; il nous paraît difficile de maintenir cette opinion ; nous avons cinq de ces dépôts répartis sur une longueur de 5m.,50 par exemple et à des niveaux variant de 0m.,30 de l'un à l'autre. Nous pensons plutôt qu'il s'agit de tombes d'enfants dont les ossements ont été complètement dissous, comme nous l'avons souvent constaté pour des tombes prises dans la terre pilée ou très compacte ; nous avons trouvé avec ces cônes des fragments de poterie rouge et des clous en bitume taillé.

VILLE ROYALE

Chantier No.1 ; à la pointe sud-ouest. ( pl.V )

Nous avons enlevé des déblais et un peu de terrain au-dessus de la voie de roulage pour dégager la face nord du chantier et pour enlever une nouvelle tranche dans la partie centrale, la plus ancienne, de la butte funéraire. Cette tranchée a donné très rapidement des tombes du XXVème avant notre ère ; à la base du chantier, nous avons atteint les tombes du XXVIIIème. Nous avons recueilli de beaux vases de terre cuite parfois décorés de peinture ( pl. VII,1 ) . Le plus intéressant est un vase polychrome qui, entre le col et la panse porte des dessins géométriques encadrant un soleil avec figure grossièrement humaine (p. 7) en son centre, un petit quadrupède et un personnage en silhouette. Il se trouvait dans une tombe avec des armes, dont une tête de canne, en cuivre, et un vase oblong en aragonite, un peu déformé par la pression des terres, et décoré d'une tête de bélier en haut relief ( pl.VI,2 ) .

Sur la face est du chantier : la moitié sud de l'attaque est descendue dans des déblais, qui ont fourni des perles, des fragments de vases de bitume taillés ( pl.IX,2 et X,1 ) , des morceaux de tablettes inscrites inutilisables, un fragment important de pot en terre cuite, avec inscription d'Attapakshou ( pl.VIII,2 ) . La partie nord a rencontré des tombeaux voûtés élamites ( pl.VI,4 ) . Le mobilier de ces caveaux comprenait des vases de terre cuite, des poids de balance ; nous avons recueilli des osselets, astragales de mouton et trois osselets en cuivre. Presque tous ces caveaux renfermaient des têtes en ronde bosse, en terre crue, avec des traces de peintures, et des yeux rapportés. Il a pu en être sauvé quatre ; deux se rapportent à des femmes ( pl.VIII,1 et IX,1 ) , une à un homme fait, l'autre à un jeune homme ( pl.VIII,3 ) . Notons encore de ce mobilier, un poinçon en cuivre, encore emmanché dans un cylindre de bois et un fragment d'os portant, incisés, quelques caractères cunéiformes.

Au dessous de ces caveaux, l'on rencontrait des traces de dallages, des restes de constructions et au-dessous de la terre pilée stérile : ce n'est qu'à la base de la tranchée, que nous avons retrouvé des sarcophages des XXème et XXIIIème siècles ; leur mobilier était pauvre ; nous avons eu cependant un vase cylindrique à 4 boutons, dont la panse était décorée d'incisions remplies de chaux et dessinant deux oies et des rangées de petits cercles superposées, des vases de cuivre, en mauvais état, quelques cylindres. (p. 8) Nous signalerons un dé, cube en bitume taillé ; comme les nôtres, il porte sur ses faces des points en creux ; sur les dés classiques, la somme des points de deux faces opposées est 7, et, si l'on tourne le dé autour d'un axe perpendiculaire à une face, la somme des points rencontrés et 14 ; il n'en est pas ainsi sur le dé du XXIIIème millénaire ; les faces 6 et 1, par exemple, sont adjacentes. Ce dé est le plus ancien rencontré, de cette forme ; les spécimens archaïques connus jusqu'ici, sont à 4 pointes.

Le chantier a fourni de nombreuses figurines de terre cuite, des types connus, des tablettes inscrites, un vase rond en fritte émaillée.

Chantier No.4.

Ce chantier a été repris seulement dans sa partie est ; il est resté dans les couches partho-sassanides, sur 5m. de hauteur. Dans des puits, ont été recueillis des vases et fragments de vases arabes. Le terrain montre des pans de murs en briques crues ; nous avons rencontré des tombes d'enfants dans des jarres et recueilli des perles de pâte, des poupées en os ( pl. XI,3 ) ; l'une d'elles montre encore un des bras rapporté. Nous avons trouvé des pièces de monnaie, en général d'époque parthe ; un lot de plus de 200 petits bronzes, présente 4 types différents du monnayage de Séleucie sur le Tigre, datés de 327 de l'ère séleucide, soit de la fin du Ier siècle de notre ère. Comme à cette date, la ville de Séleucie était en rébellion, il est possible que ces pièces aient été frappées à Suse. À la base, de ce chantier, nous avons trouvé une volute de chapiteau achéménide transformée en support de gond de porte et deux fragments de pierres inscrites, d'époque respectives néo-babylonienne et achéménide.

Au sud du chantier précédent, sur la presqu'île séparant (p. 9) la Ville Royale du Donjon, une équipe a recherché à l'emplacement sur lequel, la saison précédente, nous avions trouvé un beau fragment de koudourrou. Nous avons trouvé un cimetière d'époque arabe, daté par une petite tablette en terre crue ( pl.X,2 ) ; elle porte estampé un verset du Coran ; l'écriture la prouve antérieure au XIème siècle. Les corps sont étendus de l'est à l'ouest ; la tête est souvent trouvée regardant le sud. Nous avons pu conserver quelques crânes. Les corps sont souvent placés sur des lits de cailloux, empruntés aux débris du palais sassanide ; il s'y rencontrait des débris de colonnes, de chapiteaux, achéménides et partho-sassanides. Nous avons recueilli trois fragments ayant appartenus à des statues, deux petits fragments de marbre portant inscription grecque ( pl.X,5 et pl.XII,2 ) . - Au-dessous, nous avons déblayé deux caveaux élamites ( pl.XI,4 ) : l'un d'eux renfermait une collection de poids en hématite. Citons encore de ce chantier une tête de lion en fritte émaillée bleue, amulette d'origine égyptienne.

DONJON

( pl.XIV )

De -3m.,20 à -7m.,60-

Tombes du XXème et XXIIIème siècles avt. notre ère ; jarres funéraires ( pl.XIII,1 ) et sarcophages. Nous avons recueilli, quelques cylindres et des tablettes inscrites, un fragment de vase en pierre avec bas-relief, fleur et taureau ( pl. XIII,3 ) , deux vases en bitume taillé, des vases, armes, outils, bague et bracelets de cuivre, des pendants d'oreille en argent, des figurines de terre cuite.

De -7m.,60 à -9m.,60-

Tombes à même la terre du XXIIIème et XXVème siècles - Nous avons eu un beau vase incisé, avec représentation de deux oies ; un couperet en cuivre, dans les moins anciennes ; dans les tombes en fosse, des vases peints monochromes, des armes et miroirs de cuivre (p. 10), quelques cylindres cachets et empreintes sur bouchons de jarres, des fragments de tablettes et des figurines en terre crue.

De -9m.,60 à -10m.,60-

Tombes en fosse des XXVème et XXVIIIème siècles avt. notre ère ( pl. XIII,4 ) . Elles se rencontrent dispersées dans la moitié est du chantier. Plusieurs contenaient de nombreux vases de terre cuite, qui dans les plus anciennes fosses étaient peints en trois couleurs – noir, et rouge sur fond clair. Les dessins sont en général géométriques. Un de ces vases fait cependant exception, (Hauteur : 0m.,50 - Diamètre maximum : 0m.,40) ; c'est une grande marmite carénée ( pl. XIII,2 ) . La panse est rouge ; l'épaule est à dessins noirs et rouges sur engobe crème. Trois scènes sont figurées, séparées par des dessins géométriques : Le premier tableau représente de gauche à droite : un personnage, dessiné en silhouette, assis sur le sommet d'une tour à trois étages ; il paraît signaler à un individu assis dans un char aux deux roues flamboyantes, attelé d'un bovidé et que paraît conduire un troisième individu plus petit. Le timon, largement courbé dans un plan vertical, pour faciliter les tournants, est muni d'un pilier vertical comme on en voit sur les charrues d'époque cassite. Le deuxième panneau est occupé par un grand aigle, les ailes éployées, les griffes menaçant deux oiseaux, poules ou perdrix. Le troisième représente une tour à trois étages sur laquelle trône un personnage : au devant est une deuxième tour à deux étages avec personnage assis au sommet et, plus loin, un quadrilatère dressé sur un petit côté : des lignes partent du côté supérieur : est-ce un autel, un grand vase ou serait-ce le char dételé, vu par l'arrière. S'il en était ainsi, nous pourrions supposer qu'il s'agit de montrer le voyage du soleil, partant de l'est pour se reposer à l'ouest ; le soleil de midi étant symbolisé par l'aigle. (p. 11) Cette idée nous est venue à cause du grand nombre de cylindres dont les scènes sont en rapport avec le dieu solaire, fourni par les tombes de ce cimetière. Les cylindres à inscriptions portent en général le nom de Shamash et de sa parèdre Aa. - D'autres hypothèses ont été émises, telle qu'une figuration du voyage du mort aux enfers.

La peinture de ce vase, très visible lors de la découverte, était très pulvérulente et s'atténuait au moindre souffle ; nous avons dû la fixer à la gomme arabique pour terminer le dégagement ; nous avons vainement tenté d'obtenir une gomme soluble dans l'alcool pour faire du fixatif plus solide ; pour le transport, nous avons fixé à nouveau avec un vernis à l'acétone et celluloïd. Ce vase unique est au Musée de Téhéran, ainsi qu'un grand vase à décor géométrique trouvé à côté de lui. La tombe contenait un troisième vase, à peinture noire sur engobe crème, montrant deux suites de gazelles, et huit vases moyens à peintures noires et rouges. À proximité, nous avons déblayé les squelettes d'une paire de bovidés. Ces animaux de petite taille étaient étendus devant les traces noirâtres d'une mangeoire en bois ( pl.XVII ) ; nous avons trouvé les armatures en cuivre de leur licol et une paire d'entraves ; non loin, nous savons reconnu un squelette humain à côté de vases de terre cuite commune, un petit couteau de cuivre et une tête de canne en argent. Il est difficile d'admettre que ce soit un accident qui ait réuni bêtes et gardien dans la mort puisque nous sommes en plein cimetière. Nous avons du reste déjà trouvé auprès de deux sarcophages du XXIIIème siècle avant notre ère, des bandages de roues de chars et des reste d'équidés. Il est plus probable que l'attelage de boeufs (p. 12) ou de taureaux a été sacrifié avec son maître ; la corrélation de cette tombe avec la précédente n'est pas assez nette pour imposer l'idée que le conducteur du char et ses animaux étaient sacrifiés à la mort de leur maître ; c'est en tout cas le rapprochement de cette tombe avec la précédente que montre le vase au char attelé de bovidés, qui a fait penser à un voyage funèbre. Le sacrifice des familiers sur la tombe de leur maître est à Suse exceptionnel ; nous avons trouvé des jarres funéraires élamites contenant des ossements incomplets d'enfants mêlés à des os d'animaux ; un petit sarcophage du XXVIIIème siècle contenait avec le squelette de l'enfant un crâne d'adulte.

L'ouest de la fouille ne nous a pas donné de tombes à vases peints : nous avons trouvé des dallages et une brique inscrite, un clou décoratif au nom de Pouzour Choushinak ; dans un puits nous avons recueilli quelques tablettes.

De -10m.,60 à -12m.

Nous avions peine à nous faire à l'idée que les cinq mètres qui restent au-dessus du niveau de la plaine, étaient du sol naturel : nous avons fait un nouveau sondage sans résultat.

VILLE des ARTISANS

Le Dr. Unvala a fait quelques sondages en bordure des ruines en face de la Ville Royale. Il a déblayé des constructions arabes, qui nous paraissent avoir été des sous-sols ; il a trouvé de grandes jarres, des gobelets ; au-dessous, se trouvaient des jarres funéraires sassanides ; il a été recueilli de menus objets. Sur un autre emplacement, il a déblayé un caveau souterrain de l'époque partho-sassanide ( pl.XXI ) . La chambre mesurait 3m. sur 2m. Le long de trois parois régnaient des banquettes, sur lesquelles (p. 13) trois sarcophages étaient posés ; ils contenaient des débris d'ossements ; une dizaine de vases émaillés ( pl.XXII ) , une vingtaine de lampes en terre cuite ont été recueillis. Un escalier, couvert par de petits voûtins décrochés, permettait l'accès, à une profondeur de 4m.,50. Comme les caveaux analogues précédemment découverts, celui-ci a été conservé et son entrée murée.

Une butte assez basse, à 1km. environ au sud du Donjon a été explorée ; il a été trouvé plusieurs jarres funéraires et des sarcophages anthropoïdes. Deux couvercles décorés assez grossièrement de l'"ange de la mort" les ailes repliées, ont été rapportés ; malgré nos efforts, ils sont arrivés en très petits fragments ; la végétation les avait atteints et ils avaient été désagrégés par les racines. Ces couvercles de près de deux mètres de longueur étaient en deux parties : l'un d'eux présentait sur chacune de ses moitiés un monogramme t, peut-être marque d'atelier qui rappelle des monogrammes relevés sur la numismatique du Ier siècle de notre ère ; c'est du reste la date probable de ce cimetière.

TEPE BENDEBAL

Le relevé du tépé a été exécuté par Mr. Michalon. La butte mesure 170 mètres de longueur et domine le terrain environnant d’une dizaine de mètres. La révision des trois sondages de l’année précédente a été opérée par l’abatage de la moitié de la longueur des étages de pelleteurs. Elle a donné les résultats suivants : Au sommet, sur une épaisseur d’environ 1 mètre, terrain de recouvrement avec tombes musulmanes - Fragments de cratères à 4 boutons de la période d’Ourouk IV – Tessons peints : les fragments de vases de la nécropole de Suse I, grands gobelets et cratères, à l’exclusion de marmites et coupes, se rencontrent assez fréquents jusqu’à -3m.50 et disparaissent à -6m. –À la partie supérieure, on trouve (p.14) de petits gobelets, à panse galbée, décorés de bandes et de lignes ponctuées ; dans la partie moyenne, une forme fréquente est celle de gobelets en cornets, à fond arrondi, de parois très minces ; à l’extérieur du fond est parfois une croix incisée. Plus bas, ce sont des gobelets plus réguliers, décorés de bandes longitudinales. Du haut jusqu’en bas, sont des marmites de pâte grossière jaune, ornées parfois de bandes ; un exemplaire porte des croix de Malte ; des gobelets, à fond plat et largement ouverts ; ils sont décorés de bandes de dessins géométriques ; des cratères à large fond plat, très foncés en couleur ; des bols, des coupes dont l’intérieur est barré de traits curvilignes. Nous n’avons pas trouvé de métal dans cette nouvelle coupe, mais de nombreux broyeurs et houes en pierre : des fusaïoles, peintes ou non, en terre cuite, des balles de fronde en terre crue, des lames de silex. Nous avons des perles en terre cuite, en pierre avec des méplats ornés d’incisions, des cachets plats, des figurines d’animaux en terre cuite. Le sol vierge se trouve à -9m. du sommet ; la coupe ci-dessus a donc 8m. de hauteur, pour la période antérieure à 3.500 avt. notre ère.

TEPE BOUHALLAN

Ce tépé se trouve à 8km. à l’est de Suse, à 1km. de la rive droite de l’Ab é Diz. C’est une butte assez régulièrement conique, dominant la plaine d’une douzaine de mètres, et dont la base est de 60m. de diamètre. Le relevé en a été fait par Mr. J. Michalon. Une première tranchée, longue de 11m. large de 5m. à partir du sommet, est descendue à 10m. de profondeur, au N.Ouest. Un sondage, au sud-est, commencé à 2m. environ au-dessous du sommet, est descendu à 8m. au dessous. Il mesurait 11m. sur 7m. Ce travail a été exécuté par trois équipes, de 50 ouvriers au total (p.15) entre le 6 Février et le 31 Mars.

La poterie fine de la nécropole de Suse I, s’est rencontrée du sommet jusqu’à 6m. de profondeur : exclusivement sous forme de bols et gobelets ; on rencontre aussi des gobelets dont le décor est original ; et une poterie voisine de celle de Bendébal. Les cornets signalés de ce dernier site se rencontrent dans toute la hauteur de la coupe, ainsi que les marmites grossières, les écuelles rouges et noires. Nous avons pu restituer quelques vases nous avons trouvé un vase grossier et une coupe complets. Nous n’avons pas trouvé de métal, mais des lames de silex et d’obsidienne, des broyeurs, des têtes de canne, en pierre ; l’une de ces dernières en roche noire bien polie est décorée d’incision. Les figurines en terre cuite ont été rares : nous avons recueilli un beau cachet plat, de forme carrée avec trou central.

CHOGHA ZEMBIL

Nous avons dû modifier l’orthographe du nom actuel du site ; à la première visite, en 1935, la phonétique locale nous avait donné Tchoq é Zembil, mot persan que l’on nous traduisait le fond du panier ; ce mot Tchoq ou Tchâk signifie plutôt fissure, fente ; en 1936, à Téhéran, on nous a conseillé d’écrire Shoq du mot arabe shq. qui a la même signification que Tchok en persan, mais que l’on nous traduisait cette fois le dessus du panier. Le mot Zembil est un mot persan aussi bien qu’arabe ; cependant son origine est persane. Cette discussion a été reprise cette saison ; le mot Chogha, est l’équivalent en arabe, du district couramment employé pour « butte artificielle » ou tell. Le chemin de fer a adopté pour nommer la station No.7. non loin de Chogha Zembil, l’appellation « Haft Chogha » du nom du tell ou tépé voisin ; elle signifie les sept tépés ; le nom de ces ruines nous avait toujours été (p.16) donné comme Haft shagal, les 7 chacals-nom persan- haft n’étant pas arabe ; l’interprétation du chemin de fer n’est pas homogène, mais le pays étant habité par des iraniens et des arabes, il est possible qu’elle soit vraie ; en tous cas elle prouve la fréquence du mot Chogha, et l’appellation Chogha Zembil écarte l’emploi un peu délicat du mot Tchâk.

Les travaux ont commencé le 27 Mars, ont été terminé le 17 Avril ( pl. XXVIII ) ; il a été employé environ 200 ouvriers formant onze équipes. La maison de la Mission a été terminée le 5 avril ; jusqu’alors, la main d’œuvre était surtout employée à la recherche des matériaux dans les fondations des murs d’enceinte. Une tranchée avait cependant été poussée sur la face de la tour à étage regardant le Nord-est ( pl. XXVI,1 ) et dans l’axe approximatif de cette face.

Une deuxième tranchée fut ensuite commencée à une dizaine de mètres plus au nord. Celle-ci rencontra un parement de briques cuites, à 5 m. plus en avant ; en suivant le sommet de la rangée de briques, on vit que le niveau de celles–ci s’élevait en zigzag, et nous pensions déjà à un escalier ; mais la suite du travail nous donna une chambre, dont les murs avaient été démolis systématiquement. Elle mesurait 2m.75 de longueur et il pourrait s’agir d’un sanctuaire.

Nous avons continué un déblaiement de constructions au nord de la Ziggourat, à l’extérieur de la plateforme ; nous avons trouvé des restes de murs et de dallages, des aqueducs ( pl. XXVI,2 ) ; nous avons recueilli des poteries. Un autre déblaiement a été commencé à l’est ( pl. XXVII ) ; des murs étaient conservés parfois sur un mètre de haut ; les chambres nous ont cependant parues être des caves, nous avons trouvé quelques vases ; l’un d’eux contenait des perles et (p.17) des perles cachets en fritte ; nous avons recueilli trois petites têtes de taureaux en terre cuite, appartenant à des vases ou à des animaux décoratifs ; dans les constructions se trouvaient des briques inscrites d’Untash-gal, réemployées. Un dallage, fait de carreaux placés à champ, comprenait uniquement des briques émaillées sur une des faces rectangulaires ; le décor sur chacune d’elles était composé de trois cercles blancs et bleus sur fond bleu. Nous avons trouvé des débris des clous décoratifs en poterie trouvés précédemment avec l’inscription : Moi, Untash-gal (interprétée à tort par moi comme Dour Untash gal) et une poterie analogue dont la tête élargie est décorée de petites bosses circulaires.

Plus loin de la Ziggourat, vers l’est, au delà de la 1ère enceinte, nous avons continué le déblaiement d’une construction et recueilli des fragments de figurines en terre cuite, de vases en fritte ; parmi ceux-ci, un bassin à 4 pieds, (nous en avons un seul, en forme de pied de taureau).

La plupart des documents trouvés se rapportent à ce que nous appelons à Suse le néo-babylonien ; il est possible que cette dénomination doive comprendre la fin de la période élamite et que les ruines trouvées soient l’effet du raid d’Assourbanipal mais il se peut que nous ayons affaire aux restes d’une ville restaurée à l’époque néobabylonienne et abandonnée à l’époque achéménide.

APADANA

En 1923, nous avions trouvé dans la fouille du portique est de la salle hypostyle, un chapiteau bicéphale et l’élément de fut de colonne qui venait immédiatement au dessous ; ces deux masses de pierre étaient tombées à l’est du portique, au dehors, (p.18) de l’enceinte du palais ; nos travaux de recherches du soutènement en briques cuites, du mur d’enceinte, nous firent découvrir la base de la colonne et un fragment important d’un autre élément du fût ; la saison suivante, nous fûmes amenés à recouvrir de terre les parties ornementées de cette colonnes pour éviter les déprédations et l’effet des intempéries ; nous avions signalé le chapiteau au Service des Antiquités de l’Iran et il avait été question de le transporter au Musée. Mr. Moghadam avait reçu des instructions et une avance de fonds pour étudier ce transport. Après les fêtes du Naurouz, nous avons fait découvrir les fragments du chapiteau et l’évaluation du poids total se monta à une quinzaine de tonnes ; la dépense du transport fut évaluée à une douzaine de mille francs, ce qui dépassait de beaucoup les crédits alloués ; nous avons recouvert à nouveau le chapiteau après avoir mis de côté les petits éléments susceptibles de se perdre ; Ces derniers ont été emballés et apportés à Téhéran par nos soins. Son Excellence, le Ministre de l’Instruction Publique sur le rapport de Mr. Moghadam, appuyé par Mr. Godard et le Directeur du Service, probablement informé que la dévalorisation du franc rendait difficile notre départ de Perse, voulut bien nous rembourser les frais que nous avions dû faire pour ce chapiteau. ; nous avons ainsi reçu la somme de 500 Réals avec beaucoup de reconnaissance.

Conclusion.

La Mission a rapporté à Téhéran 37 caisses d’antiquités, correspondant à 450 numéros d’inventaires. Le partage des antiquités a pour la première fois été opéré dans les annexes du nouveau Musée. Le tirage au sort a eu lieu le 4 Mai 1937, sous la présidence de Son Excellence Hekmat, Ministre de l’Instruction Publique. Le No 1 a été attribué à l’Iran. Voici la répartition des objets les plus marquants :

Lot 1 Lot 2

2 Vases peints du XXXVème avt.J.C. 2 Vases peints dito

2 Grds. Vases peints du XXVIIIème dito 3 Grds. Vases peints dito

1 Tête de cannne argent dito 2 Têtes de canne dito cuiv.

3 frgts. de vases à reliefs - XXIIIIe 1 Vase à relief – XXVIIIe.

1 Vase peint et incisé Do. 1 Vase peint et incisé - XXII

1 Tête terre crue XIIIème 1 Tête terre crue XIIIe.

1 Vase en fritte émaillée Xème 1 Vase fritte émaillée Xe.

Nous avons laissé à Téhéran outre les deux caisses de fragments de chapiteaux, des briques de construction trouvées dans les couches archaïques, et des briques voussoirs des tombeaux élamites ; une collection de tessons peints de Suse I, 2 lots de monnaies inclassables, des vases arabes, sassanides, élamites, trop encombrants pour le transport à Paris. Nous avons rapporté 13 caisses d’antiquités.

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