Roland de Mecquenem - Archives de Suse

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Cote conservation : F/17/17257 / Document original conservé aux Archives Nationales, Paris.

I Travaux et résultats.

Les préparatifs commencés le 20 Décembre 1932 furent terminés le 1er Janvier 1933 ; les travaux commencèrent à cette date. Le nombre des ouvriers employés était déjà de 850, le 7 Janvier ; de 935 le 31 du même mois ; il était encore de 892 le 20 Mars, de 826 le 31 ; il descendit à 686 le 6 Avril. Les recherches ont été arrêtées le 14 Avril.

Les équipes (57 au maximum), ont été réparties sur sept chantiers principaux :

Deux chantiers sur l'Acropole -1 et 2.

Quatre chantiers sur la Ville Royale -1, 2, 3, et Donjon.

Un chantier sur la Ville des Artisans.

Nous avons été amenés à faire de plus une petite recherche sur le Tell de l'Apadana.

Travaux sur l'Acropole

1- Sondage au Sud du château ( pl.I )

Continuation de travaux antérieurs.-Chantier ouvert le 1er Janvier, arrêté le 14 Avril.

Trois équipes (8 wagons) du 1er Janvier au 19 Février ont travaillé à l'élargissement de la tranchée, entre le IIe Niveau et la côte 7,m.75 au-dessous. Il a été recueilli au cours du travail quelques vases de terre cuite, de petits vases de pierre, des amulettes, des cachets archaïques, des outils de pierre et de cuivre, un outil en os ; l’objet le plus précieux fut une amulette en agate, autrefois sertie dans une monture de métal, portant inscription au nom de Kurigalzou.

Le niveau inférieur fut exploré à la couffe. Nous avions l'année précédente reconnu l'existence d'une citerne, rectangulaire en plan (14 mètres sur 7.), creusée dans le massif ancien, et garnie de murs de soutènement en briques cuites ; nous l'avions déblayée jusqu'au niveau de 7m,75 au-dessous du IIe Niveau ; un massif épais en briques cuites qui limitait la face nord, finissait à ce niveau ; nous en avions conclu être arrivé à la base de la construction ; en enlevant les briques de la face ouest, nous avons trouvé un nouveau massif sur cette face ; il se terminait par un escalier ( pl.II,1 ) ; la prétendue citerne était en réalité un grand puits descendant jusqu'au niveau aquifère ; tous les objets trouvés dans les terres de remplissage étaient d'époque achéménide ; nous pouvions supposer qu'il avait été comblé à (p. 2) l'arrivée des troupes d'Alexandre le Grand et qu'il avait servi plus ou moins de cachette ; nous avons poursuivi le déblaiement.

Nous sommes descendus en fin de campagne, à 13 mètres au-dessous du IIe Niveau sans atteindre le fond ; le niveau hydrostatique doit être trouvé 1m,50 ou 2m. plus bas. Le remplissage a l'aspect d'une boue séchée ; nous y avons trouvé des perles de pâte et de cornaline, un cachet cylindrique en agate, avec gravure de style achéménide, de nombreux fragments de vase en arragonite, portant inscriptions cunéiformes trilingues et cartouche égyptien des rois achéménides et particulièrement Xerxès, des pierres informes qui paraissent par leur matière des débris de statues archaïques, de morceaux d'oreilles et de cornes en calcaire gris, provenant des chapiteaux bicéphales de l'Apadana ; nous avons trouvé deux petits fragments d'un vase émaillé ; le décor floral est très analogue à celui des briques émaillées de l'escalier du palais ; nous en avions recueilli deux fragments l'année dernière, qui avaient été attribués par le sort au Musée de Téhéran ; notons encore un tesson de pot, portant un graffite de caractère araméen, un très petit fragment de tablette en terre cuite, charte en langue anzanite de la fondation du palais de Darius. Proviennent des éboulis du mur de soutènement, quelques débris de briques inscrites d'époque élamite.

Nous pouvons conclure de cette exploration que le puits est d'époque élamite, qu'il a été utilisé seulement comme citerne à l'époque achéménide ; cette citerne s'est comblée peu à peu durant cette période pour disparaître aux temps sassanides.

L'exploitation du niveau inférieur (-7m,75 jusqu'au sol vierge) a montré des fonds de silos et deux fours de potier ( pl.III,4 ) . Il a été recueilli des cachets boutons ( pl.III,5 ) et des figurines de terre cuite, représentant en général des animaux, mais aussi une jambe peinte de petit personnage ; citons encore : des balles de fronde en terre crue, des lames de silex et d'obsidienne et surtout des fragments de petites coupes en obsidienne ; de semblables vases ont été signalés dans des couches inférieures de Warka.

Nous avons trouvé de nombreux fragments de vases peints ou à engobe rouge ; nous n'avons observé aucun vestige de cuivre, ni du reste, d'aucun métal façonné.

2- Chantier du sud de l'Acropole ( pl.IV )

Continuation des travaux de l'année précédente. Deux niveaux de roulage, quatre étages d'exploitation.

A- entre le IIe niveau et 3m,80 au-dessous

Nous avons trouvé des tombes à même la terre indiquées surtout par du mobilier ; les ossements avaient, en général, complètement disparu. Les tombes d'enfants étaient reconnaissables à la présence de colliers de perles de pâte blanche, garnis de petites amulettes, à des jouets, tels que boules polies de marbre ou de bitume, ou palets ou pions de jeux en terre cuite, à des vases en pierre. Il n'a pas été trouvé à ce niveau de poupées en terre cuite. Près des tombes d'adulte, il y avait de grandes jarres de terre cuite, des écuelles grossières, des têtes de masse en pierre, rarement du cuivre ; il faut citer cependant une pointe de lance de ce métal, et quelques épingles ; on trouvait des cylindres archaïques, des épingles et outils en os. Près de l'axe du tell, nous avons recueilli des tablettes proto-élamites, en terre crue, des fragments de bouchons (p. 3) de jarres avec des empreintes de sceaux, de petits bouchons portant des signes proto-élamites. Les tablettes inscrites se trouvaient encore à la base de la tranchée. Nous avons recueilli des vases d'arragonite et d'albâtre, des vases décorés de bandes peintes en particulier un vase à bec ouvert ; les vases peints proprement dits à décor rouge et noir, ne résistant pas à l'eau, ne se rencontraient que tout à fait dans la partie supérieure de la tranchée.

B- entre 3m80 et 5m70 au-dessous du IIe Niveau

Nous rencontrons encore des tombes à même la terre indiquées surtout par des écuelles grossières, en terre cuite ; on trouve aussi des jarres, des vases à bec, des marmites à anse. Des tombes plus riches présentent des vases en pierre, parfois marbre, mais aussi taillés dans du grès. Les tablettes proto-élamites manquent, mais il se rencontre encore des bulles d'argile crue, soit rondes, comme des boules plus allongées, parfois plates ; l'une de ces dernières présente en empreinte la reproduction d'un atelier de tissage : de part et d'autre de la pièce, deux individus accroupis se passent la navette ; à l'extrémité opposée, un ouvrier debout manoeuvre les fil de la chaîne au moyen d'un curieux dispositif. Les tombes d'enfants renferment parfois des figurines d'animaux, plus souvent des fusaïoles et des palets, aussi des clous de terre cuite. Ces derniers objets étaient utilisés pour remplacer nos clous dans des murs de terre crue, et parfois servaient à l'ornementation des murs, mais leur présence en groupe dans des tombes d'enfants nous ferait penser que les bambins les utilisaient comme quilles.

Le cuivre est très rare. Il apparaît seulement sous forme d'épingles aux têtes souvent ornementées, d'aiguilles parfois longues et minces, rarement des hameçons, on ne trouve ni anneaux ni bracelets.

C- entre 5m70 et 9m10 au-dessous du IIe niveau

À la partie supérieure de la fouille, les tombes précédentes se retrouvent plus rares ; en profondeur, nous trouvons des restes de constructions, plate formes et murs en briques crues, le plus souvent rectangulaires (28 x14 x10). Les larges faces sont souvent irrégulières, mais ne sont pas plan convexes. Il se rencontre aussi quelques briques cuites.

Nous recueillons des outils de potier en pierre et en terre cuite, une collection d'outils en os ; ces derniers sont des stylets taillés dans des métatarsiens et métacarpiens de gazelle. Ils portent des dessins au trait souvent curieux ; nous avons eu deux cavaliers coiffés de bonnets, vêtus de pantalons ; leur monture et harnachée, selle et bride. Il ne manque que les étriers pour avoir la représentation d'un cavalier persan moderne. Le motif le plus fréquent dans cette série est la chèvre et une sorte de rameau. Les lames de silex et d'obsidienne sont abondantes ainsi que les balles de fronde, les figurines d'animaux parfois peintes. Notons un beau couteau formé d'une longue lame de silex, avec la poix ou le bitume qui servait à la fixer sur une monture sans doute en bois. Après avoir noté des cuillères à manche et des palettes en terre cuite, une jolie petite coupe à manche en pierre, nous allons décrire avec plus de détails les deux trouvailles vraiment intéressantes de cette tranchée. Elles ont été faites près de la base à une dizaine de mètres l'une de l'autre, non loin de l'axe du tell.

La première est un galet de rivière calcaire de forme allongée, long d'une vingtaine de centimètres, avec deux méplats opposés assez irréguliers. Il porte une quinzaine de lignes d'écriture au qalam ( pl.VI,8 ) . (p. 4) Les caractères sont en général reliés les uns aux autres et difficiles à isoler. Cependant la svastika se reconnaît plusieurs fois. Certains caractères ont des analogies avec le démotique, d'autres avec l'araméen ; d'autres ressemblent à des signes avestiques. Il s'en faut du reste que la copie soit facile et certaine ; Mr. Unvala en a fait une, j'en ai essayé une autre et les deux résultats sont différents. Le sens même de l'écriture varie parfois d'une ligne à l'autre, de même que le mode d'écrire comme s'il y avait eu plusieurs scribes. Le galet était pris dans une masse de terre argileuse du chantier ; il n'y avait pas de traces de puits ni de drainage ; nous sommes donc convaincus que ce monument est de l'époque de son gisement ; immédiatement au-dessus de la couche de Suse I et au-dessous des constructions en briques crues dont nous avons parlé plus haut, nous lui attribuons l'ancienneté minimum de 3500 ans avant notre ère. La présence du swastika sur les coupes peintes et sur le beau cachet gravé que nous avons trouvé de Suse I, nous porterait à voir dans cette écriture archaïque, l'écriture des premières populations fixées à Suse. Le décor si remarquable de leurs poteries, leurs connaissances métallurgiques nous avaient toujours persuadé qu'ils étaient capables d'utiliser une écriture.

La deuxième trouvaille a été faite non loin et au même niveau comme nous l'avons dit. C'est un petit lion (L = 0m,13) en bitume taillé ( pl.VIII, 9,10 et 11 et pl.IX,12 ) . Il est couché ; entre ses pattes de devant est un homme assis, les jambes ployées, le buste légèrement penché à l'avant, les mains posées sur les cuisses. La partie postérieure de sa tête est dans la gueule ouverte du lion. Les dents de la mâchoire supérieure de l'animal dessinent en quelque sorte des cheveux sur le front de l'homme, coiffé par la face de l'animal. La mâchoire inférieure de celui-ci est figurée jusqu'à la canine seulement. L'expression du visage humain est tranquille; les coins de la bouche légèrement prolongés vers le bas indiquent un certain dégoût ; l'attitude de la bête ne marque pas de férocité, et les lignes de sa face marquent plutôt de l'ironie que du triomphe. L'exécution est magistrale, sans fignolage. La partie inférieure de l'objet a cependant été travaillée pour montrer les pattes du lion et les jambes de l'homme.

Cet ensemble nous rappelle d'abord puisque nous sommes en Perse, les monuments funéraires érigés sur les tombes de chefs, surtout dans les montagnes du Luristan et des Bakhtyaris, mais j'en ai également vu sur les pentes du Sahend, près de Tauris. Ce sont des lions grossièrement taillés en pierre ; l'animal ayant dans la gueule ou sous sa patte un crâne ou parfois une boule. Ce symbole avertit le passant que l'individu enterré là était un brave.

Le célèbre lion de Babylone, à présent au musée de Bagdad, est debout, remarquablement sculpté ; le corps d’un homme, très fruste, est étendu sur le dos, entre les pattes de l'animal. Ce monument est attribué au VIe siècle avant notre ère, d'après l'étiquette.

Nous pensons que notre petit objet est un ex-voto funéraire, et exprime cette idée que le mort a été victime de sa virilité dépensée au service de son suzerain.

Il se compare au sphinx égyptien, qui pourrait être après tout une stylisation plus avancée de la même scène ; de cette représentation toute simple ; l'homme terrassé par un lion destinée à la tombe d'un guerrier ; (si simple qu'elle est encore moderne), l'artiste est passé par le stade de notre objet : l'homme accroupi devant le lion, qui le dévore seulement virtuellement, avant d'arriver à confondre l'homme et le lion en un seul être énigmatique. Il se pourrait encore que la coutume de représenter l'homme fort et généreux que fut Hercule, avec un vêtement fait d'une peau de lion (p. 5) soit une réminiscence occidentale de cette même idée symbolisée.

La plus ancienne représentation du lion semblait être jusqu'à présent celle que J. de Morgan avait retrouvée à Negadah dans une tombe de la première dynastie égyptienne. La chronologie actuellement en faveur place le début de cette dynastie vers 3300 avant notre ère. C'est vers cette même époque que nous plaçons actuellement à Suse, le début des tablettes proto-élamites et la céramique à anses torsadées, à écuelles grossières ; le petit lion de bitume et le galet inscrit, trouvés tous les deux au-dessous des constructions en briques crues, qui semblent marquer le début de cette période, nous paraissent pouvoir être attribués à 3500 avant notre ère. Notons que nous n'avons pas encore trouvé dans la couche inférieure à vases peints du Ier style, de représentations du lion.

D- entre 9m.,10 et 11m,20 au-dessous du IIe niveau

Une tranchée longue de 100m., large de 3 à 5m., a été poussée sur les 2/3 de sa longueur, jusqu'à 12m,60 au dessous du IIème Niveau.

Près de l'axe du tell, nous avons déblayé un grand four, avec sole circulaire de 1m76 de diamètre ( pl.III,6 ), percée d'une cheminée et de 45 carneaux aboutissant dans la chambre à feu ; cette dernière, haute de 0m,90 sous voûte, présentait un pilier central, et ,une porte de chargement. Près du four, se trouvait un amas de briques crues, légèrement incurvées, destinées à monter les parois de la chambre de cuisson.

Nous avons recueilli dans cette tranchée de nombreux fragments de poterie peinte et à engobe rouge ; des lames de silex et d'obsidienne, des balles de fronde ; de rares cachets plats ; quelques figurines. Nous avons atteint le sol naturel presque partout sauf près de l'axe du tell. Il suffira pour la suite des travaux sur ce point de descendre jusqu'à 11m.,20 au-dessous du IIème Niveau et de faire par endroits des sondages de la couche inférieure. La présence de restes de construction, à la côte -8m. nous a fait espérer des objets intéressants.

Travaux sur la Ville Royale

1- angle sud-ouest ( pl.V )

Nous avons continué le chantier de l'année précédente en nous bornant à l'exploitation de l'étage inférieur, entre 5m.,70 et 13m.,20 au-dessous du sol naturel. Seulement 7 wagons et 3 équipes y ont travaillé : du 3 Janvier au 10 Avril.

Nous avons expliqué antérieurement qu'il s'agit d'une butte funéraire, constituée par des tombes amoncelées en écailles. Nous avions l'année dernière dépassé le noyau central constitué par des tombes à fosses, comportant un mobilier de vases peints et d'objets de cuivre, que nous avons attribuées à 2800 avant notre ère. Cette année, nous ne les retrouvons plus à la base de notre tranchée, mais les tombes en fosses contenant des vases à anse pastillé, des coupes à libation de 2.500 avant notre ère. Vers la côte -11m. et au dessous nous trouvons des sarcophages de 2.300 datés par la présence de briques inscrites au nom de Gimil-Sin, roi d'Our. Bien que nous soyons arrivés à ce même niveau dans nos tranchées du Donjon, nous n'avons pas voulu abandonner cette tranchée, parce que les tombes étaient relativement plus riches.

Nous avons en effet recueilli deux vases en terre noire, cylindriques, avec quatre boutons percés pour anses funiculaires ; ils sont décorés de dessins incisés, dans des cadres peints de rouge ; l'un d'eux montre (p. 6) quatre compartiments ; deux d'entre eux sont remplis de lignes de cercles ; un troisième par une chèvre sauvage, passant ; dans le quatrième, un héron (?) est perché sur le dos d'un poisson (barbeau?) et le dévore ( pl.XIX, 25 ) . L'autre vase est décoré de deux compartiments de cercles séparant deux chèvres sauvages. Les incisions sont remplies de pâte calcaire très blanche, ressortant bien sur le fond sombre.

Une écuelle de bitume taillé est décorée d'une tête de bélier en haut relief ( pl.XI, 14 et 15 ) ; le corps de l'animal est indiqué en léger relief sur la panse de la coupe ; la toison est figurée.

Un grand plateau en terre cuite, à engobe rouge, comportait trois pieds (pl.X,13) ; nous n'en avons retrouvé qu'un, assez analogue, aux pieds des meubles Louis XV.

Les plus riches sarcophages ont fourni des diadèmes de clinquant d'or, d'argent, des bracelets d'or et d'argent, des colliers de perles d'or, d'agate, de cornaline, des cylindres ( pl.XIII,18bis ) ; le plus précieux ornement recueilli fut un petit aigle en or ( pl.XI,16 ) : les ailes éployées sont garnies de restes d'émail bleu et blanc ; les pattes sont ramenées sur la poitrine, plante vers l'observateur, dans une attitude de prière. Cet objet fait penser aux faucons décorant les pectoraux égyptiens mais l'attitude de l'oiseau est différente ; du reste, nous pensons que ces bijoux d'Egypte ne sont connus que des Ramessides, soit un peu postérieurs au nôtre.

Parmi les objets de cuivre, signalons des haches et des poignées de canne ; l’une de celles-ci présente deux ailes de part et d'autre de la douille, sur lesquelles sont des ornements en relief ; sur l'une on voit d'un côté un petit lion et de l'autre une petite chèvre ( pl.XII,17 ) , sur l'autre, est de chaque côté, une ligne ondulée. Le style de ce décor rappelle les reliefs de bronze du Louristan. Nous avons trouvé des miroirs, avec ou sans poignée ( pl.XVII,24 ) ; l'un de ces derniers est recouvert d'une mince couche d'argent. Une longue tige pointue d'un côté est divisée de l'autre en trois palettes, à 120° ; peut-être est-ce une broche, avec une manivelle? Un autre objet énigmatique est une tige de section rectangulaire, terminée à chaque extrémité par une petite pale arrondie ( pl.XVII,24 ) ; la tige a été trouvée, tordue sur elle-même, de sorte que l'apparence est celle d'une hélice. Etait-ce la position d'abord envisagée pour permettre un brassage de liquide? Signalons plusieurs poignards ; l'un d'eux avait une poignée garnie d'une mince feuille d'argent fixée avec des clous dorés. Une lance, tige de cuivre, de section carrée, conservée avec une douille en cuivre qui sertissait l'extrémité du bois.

Le mobilier comportait encore des vases de cuivre, de formes diverses, surtout de simples marmites à deux anses, des vases de terre cuite, parfois peints. L'un d'eux est un gobelet, presque cylindrique, avec une décoration de bandes circulaires, un carré en damier, un autre occupé par des lignes obliques. Un autre est une sorte de marmite avec des rameaux ou des mains peints sur la panse.

Les tombes de la couche supérieure, de 2.000 avant notre ère, étaient plus pauvres et nous n'avons recueilli que quelques poids en pierre et de plus petits en hématite. Notons, tout en haut de la dernière tranchée, un lot de 120 tablettes de comptabilité en terre crue. De plus, un assez grand nombre de lames de silex avec leur enduit de bitume, ayant servi à les monter en faucilles.

(p. 7)2- milieu de la bordure regardant le sud-ouest

Reprise de travaux antérieurs. Ce chantier a été ouvert le 2 Mars et arrêté le 9 Avril.

Travail à trois niveaux.

Niveau inférieur. Des équipes ont déblayé à la couffe, le fond du sondage jusqu'au sol vierge ; il a été mis au jour des tombes à fosse avec mobilier de vases peints.

Niveau moyen. Deux équipes (6 wagons) sont descendues dans la couche des tombes de 2300 avant notre ère ; il a été déblayé deux sarcophages et des vases funéraires. Nous avons recueilli quelques figurines et des tablettes inscrites ; nous espérions bien de l'intérêt de l'une d'elles, très grande, mais elle s'est trouvée relater un simple relevé cadastral.

Niveau supérieur. Ce chantier a été plus actif ; le niveau sassanide et très épais sur ce point, constitué surtout par un remblayage (12m.) au dessous de constructions. Il a été rencontré des tombes d'enfants dans des jarres et des sarcophages ; les puits ont fourni des lampes, des gourdes et de vases de terre cuite. Il a été recueilli des petits objets, figurines et pièces de monnaie en cuivre ; au milieu du remplissage, nous avons trouvé un tombeau élamite, voûté, en briques cuites ; il renfermait les restes de deux individus, quelques vases de terre cuite, des poids de balance en pierre et une belle marmite en arragonite.

Notons encore un petit fragment d'inscription achéménide sur calcaire noir.

3- Milieu de la bordure regardant le Nord-ouest ( pl. XIV et XXIII, 29 )

Reprise de travaux commencés en 1930-1931 et non repris l'année dernière. La tranchée avait rencontré de nombreux fragments de matériaux provenant de l'Apadana et nous avons espéré trouver de nouveaux éléments de bas-reliefs. Nous avons travaillé activement du 4 Janvier au 2 Mars.

Nous avons déblayé des constructions arabes ; les unes au niveau de la plaine et d'autres montant sur les pentes du tell ; nous avons rencontré un escalier desservant le niveau supérieur (différence de niveau de 5m). Nous avons trouvé des vases en terre cuite, des débris de vaisselle en terre cuite émaillée, des fioles de verre ; au dessous du niveau arabe, nous avons trouvé les constructions sassanides, avec leurs puits de décharge ; nous avons obtenu des vases de terre cuite, quelques figurines, de rares cylindres et cachets. Les constructions sassanides suivent la même disposition que les maisons arabes, leur niveau s'élevant vers l'intérieur du tell. Une tranchée plus profonde nous a fait reconnaître le niveau néo-babylonien, avec des petites figurines en fritte ; le peu de résultats obtenus nous a fait différer la suite de l'exploration.

4- Donjon

( pl.XVIII et pl. XXXIV, 52 )

C'est là que fût porté notre principal effort du 2 Janvier au 10 Avril.

Nous avons achevé de niveler la butte jusqu'au dessous des fondations du palais sassanide ; nous sommes descendus à 2 mètres plus bas, sur les deux tiers de la surface ; nous avons largement préparé l'exploitation du niveau inférieur (7,70 m au-dessous du sommet primitif).

Etage supérieur. Du sol primitif au niveau du dallage sassanide (de 0m à -1m.20)

(p. 8) Nous avons trouvé de nombreuses tombes à même la terre, du début de l'hégire et sassanides ; nous avons conservé quelques crânes ; sur l'un deux nous avons observé de nombreuses perforations circulaires de 0m.,005 de diamètre ; elles nous ont paru le travail de quelques insectes à déterminer. Des perforations analogues de plus grand diamètre cependant ont été observées sur des crânes préhistoriques et ont été attribuées à des trépanations posthumes. Nous avons trouvé quelques colliers de perle de pierre et de pâte, des amulettes, dans les tombes d'enfants. Nous avons rencontré quelques pierres, réemployées dans l'édifice sassanide, telles que : base de colonne achéménide, fragment d'inscription achéménide ( pl.XXV,35 ) , gros bloc de calcaire avec inscription grecque, fragment de marbre avec inscription grecque ( pl.XXX,41 et XXXI, 42 ) , et des débris égarés dans les éboulis : fragment de statuette en fritte émaillée de bleu, avec des traces d'inscription hiéroglyphique dans un cartouche ( pl.XXVI,36 ) , une épaule de statue en marbre, un petit pied de même matière, des briques émaillées achéménides ( pl.XXV,34 ) , quelques figurines et vases de terre cuite. Parmi les jarres, remplies de terre, placées verticalement pour maintenir les terres du mur d'enceinte, nous avons conservé une grande jarre, estampillée de la galère de Sidon et par conséquent achéménide ou séleucide ( pl.XXVII,37 et XXVIII, 37 bis ) .

Etage moyen, de -1m20 à -3m20

Entre les massifs de fondation du palais sassanide, nous avons déblayé plusieurs tombeaux voûtés, du début de l'Elam ( pl.XXIX, 40 et XXXIII, 47 et 48 ) ; nous avons recueilli des vases de terre cuite, des figurines de terre cuite et en particulier une collection de têtes de poupées en terre crue et en terre cuite ( pl.XXXI, 43 ) ; des trous, à la base du cou et sur le pourtour du front, permettaient de fixer vêtements et coiffures ; les terres cuites étaient peintes ; nous avons trouvé un corps de terre cuite pour l'une de ces poupées ( pl.XXXII, 44 ) ; c'est une simple plaquette de forme rectangulaire, avec un trou central et des logements pour les bras articulés ; nous avons trouvé un fragment de bras, mais qui paraît trop petit pour ce corps ; une petite poupée de terre cuite trouvée au même lieu, était percée de trous permettant une suspension par fils, comme pour une marionnette ( pl.XXXII, 45 ) . Nous avons eu de ce niveau des tablettes de terre crue ; quelques pièces de monnaie dont une petite collection d'Alexandre le Grand.

De -3m20 à -5m60

Nous avons déblayé de nombreux sarcophages ( pl.XXXIII, 49 ; pl. XXXIV, 50 et 51 ) et vases funéraires en terre cuite. Ils ne renfermaient en général que peu d'objets ; on trouvait surtout des outils en cuivre, et nous pensions que cette butte était un cimetière d'artisans. Cela semblait corroboré par la trouvaille dans le secteur est de nombreux moules de fondeurs en grès tendre ou en serpentine, parfois complets en deux parties, souvent réduits à une moitié, ou cassés, et des pierres de même nature où le moule était parfois seulement ébauché. C'étaient des moules de pointes de flèches, de javelines, de poignards, d'épingles, des types trouvés dans la période Our III.

Nous avons recueilli dans les sarcophages de nombreux fragments d'os travaillés pour incruster des boîtes en bois, pensons-nous, mais nous n'avons pu arriver à reconstituer aucun ensemble et il n'avait été mis dans les tombes que des échantillons, semble-t-il. Dans les terres, nous trouvions cependant des débris d'écuelles et de plateaux en bitume taillé qui encourageaient nos efforts ; ce (p. 9) ne fut cependant que vers le milieu de Mars, que nous trouvâmes quelques objets intéressants une statuette en terre crue de déesse debout ( pl. XXXVII, 57 ) ; elle est vêtue d'une robe à franges, les deux mains sont levées devant la poitrine, attitude de prière ; un vase rond taillé dans du bitume, le bord est décoré de coquille, une anse est formée de deux plaques superposées, rejointes par une paire de figurines (hauteur 0m08) analogues comme costume et attitude à la statuette dont nous venons de parler, les têtes couvertes d'un bonnet ( pl.XLIII, 73 et pl. XLIV, 74 ) ; un vase de même forme et de même matière montre une anse formée d'une chèvre sauvage accroupie ( pl. XLII, 72 ) ; la tête de l'animal est tournée vers le vase ; les cornes détachées de la masse ne sont pas complètes ; le corps de l'animal est couvert de traits fins et réguliers, figurant les poils ; une écuelle de même matière n'est qu'à demi conservée, elle est décorée d'une tête de bélier en haut relief, les yeux étaient incrustés de coquille ( pl. XLI,71 ) .

Nous avons recueilli dans ce niveau de nombreuses tablettes en terre crue généralement en assez mauvais état, surtout des tablettes en forme de lentilles, des figurines de terre cuite (près d'un four, 70 figurines de femme, les mains croisées sous la poitrine) ( pl. XXXVIII et XXXIX ) , des vases de cuivre des armes ( pl. XXXVIII,1 ) et des outils de même métal, quelques diadèmes de clinquant d'or, des perles en pierre et d'or, parfois filigrané, de nombreux cylindres cachets ; notons une empreinte sur terre crue ( pl. XXXIX, 65 ) . Elle montre une divinité assise sur un trône formé par les plis du corps d'un serpent à tête presque humaine ; le dieu tient un caducée ; M. Godard nous a dit avoir vu la même représentation sculptée en bas relief sur un rocher de la vallée de Chapour près de Kazeroun ; cela implique la souveraineté susienne sur l'Anzan au temps de la IIIe dynastie d'Ur.

A la base du niveau nous avons trouvé des restes de constructions, pans de murs et dallages. Parmi les briques se trouvaient des fragments inscrits au nom de Doungi, premier roi de la IIIe dynastie d'Ur.

De -5m60 à -7m70

Une longue tranchée (115m) traverse le champ de fouilles, de l'est à l'ouest, dans la partie nord du chantier ; elle a rencontré des vases funéraires et des tombes à même la terre, avec mobilier de vases de terre cuite, annonçant le niveau de 2500 avant notre ère. Elle a rencontré les fondations du mur d'enceinte à l'est (celles-ci descendent encore plus bas, du reste) et les a traversées ; il a été trouvé dans le voisinage un fragment d’une stèle de Choutrouk Nakhounté ( pl. XLVI, 79 ) .

Une amorce de tranchée, parallèle à la précédente, d'une trentaine de mètres de longueur, mais au milieu de la fouille, du côté est, rencontre encore jusqu'à sa base les tombes et les sarcophages de 2300 avant notre ère, mais plus riches semble-t-il que celles du niveau supérieur. Un sarcophage était rectangulaire avec un fond et un couvercle ; les parois étaient renforcées par des cordons en relief ( pl. XLIV, 74 ) ; il ne contenait pas d'ossements. Non loin, nous avons recueilli une coupe en albâtre ; la panse était décorée en bas-relief, d'un lion devant un taureau ( pl. XLV, 76 ) ; trois serpents formaient une anse. Dans une autre tombe, se trouvait un vase au décor incisé, rempli de pâte blanche ; quatre compartiments étaient séparés par des bandes peintes en rouge ; deux de ceux-ci étaient occupés par des lignes de petits cercles ; un autre par une oie, le quatrième par une barque avec des rames (?) levées ; dans un (p. 10) sarcophage, fut trouvée une écuelle de bitume taillé (longueur maxima 0m.,21), décorée d'une tête de taureau en ronde bosse ( pl. XLV, 77 et XLVI, 78 ) .

On le voit, la succession des couches est tout à fait régulière ; le centre de la butte funéraire se trouvait dans l'axe de notre tranchée nord ; la fortification achéménide réparée par les sassanides a donné à la butte une apparence de bastion compris entre deux lignes parallèles nord-sud arrêtées au sud par une muraille est-ouest, puis par une ligne sud-est, nord-ouest. C'est un ravinement postérieur à l'époque sassanide qui a isolé le Donjon de la Ville Royale, par un grand ravin sur la face regardant le Sud-ouest, que nous avons exploré l'année dernière, et sur la face regardant le Sud-est, par un autre ravin que nous avons exploré cette saison.

De ce dernier point, nous avons peu à dire, nous avons déblayé des constructions sassanides en briques crues, trouvé des aqueducs et des puits de décharge ; nous avons observé quelques tombes de basse époque, recueilli une gourde émaillée, une main en marbre de statue sans doute d'époque parthe ( pl. XLVII, 80 ) , quelques figurines ( pl. XLVII, 81 ) , une coquille dont la nacre était gravée.

Notre niveau inférieur (-7m.,70) est du côté de l'Est à 8m seulement au dessus de la plaine, mais encore à 15 mètres au-dessus de la route, du côté de l'Ouest. Il nous semble, d'après l'exploration des ravins que les terres rapportées ont bien cette dernière épaisseur ; nous avons donc la possibilité de trouver sur ce point tous les niveaux de Suse, et une grande facilité pour l'évacuation des déblais et une concentration de chantiers, nous permet une exploration économique. Jusqu'à présent, la terre n'était pas très tassée et le dégagement des objets plus facile que dans les autres chantiers de la Ville Royale ; en revanche, la densité des objets intéressants était cette année plus faible, mais il est possible qu'elle s'accroisse en profondeur. Une autre remarque en passant, les résultats de cette saison ont un caractère général très mésopotamien ; nous ne trouvons rien d'anzanite ; cela peut tenir à ce que Suse était nettement sous la suzeraineté de la Chaldée, sous Doungi et ses successeurs comme sous Hammourabi, et c'est cette période que nous venons de reconnaître, mais il semble plutôt que nous sommes dans le quartier sémitique de la ville ; c'est du reste le Sud des ruines, face à la Mésopotamie que nous travaillons ; ce n'est qu'à la fin de cette exploration, qui peut nous occuper encore deux ou trois saisons que nous pourrons rechercher sérieusement au nord de la Ville Royale des restes de la civilisation purement susienne.

Travaux à la Ville des Artisans

Comme ces dernières années, en fin du saison, du 1er Mars au 6 Avril, le Dr. Unvala continua ses recherches à la Ville des Artisans ; un ouvrier nous avait apporté deux figurines de plâtre sculptées qu'il prétendait avoir trouvé près du chantier qui, l'année précédente avait vu la découverte d'un tombeau voûté sassanide. De nouvelles recherches furent faites pour trouver le complément de ce décor, mais ce fut en vain ; la poursuite de l'exploration du petit tell, entamé l'an dernier se heurta à un massif de briques crues et fut abandonné de même. M. Unvala revint alors sur la face des ruines opposées à la Ville Royale ; il eut la chance de trouver au centre d'un petit tertre, un caveau voûté sassanide ( pl. XLVIII, 82 ) . La voûte était en partie effondrée de sorte que le caveau put être vidé par le haut ; il renfermait trois sarcophages ( pl. XLVIII, 83 ) , dont deux émaillés ; il a été (p. 11) recueilli dans les terres de remplissage quelques lampes de terre cuite, des vases émaillés ou non, quelques figurines, des perles de cornaline, de petits objets.

À noter de ce chantier, une belle jarre en terre cuite rouge, à deux anses, et au fond prolongé en pointe ( pl. XLIX, 84 ) , un scarabée-cachet d'origine égyptienne, quelques jetons en terre cuite jaune portant des empreintes de style hellénistique, une petite terre cuite moulée en forme de colonne cannelée, des pièces de monnaie de cuivre.

Travaux à l'Apadana

Près de la porte orientale du palais achéménide, des gamins avaient signalé des fragments de cailloux avec des inscriptions. Une équipe travailla à cet endroit à plusieurs reprises ; dans le gravier, à son contact avec le mur d'enceinte, nous avons trouvé quelques fragments inscrits, disséminés.

Inventaire

L'inventaire des documents les plus intéressants a été dressé en 14 opérations. Il présente 865 numéros contre 1038, en 1932, bien que notre effort ait été plus grand. Cette différence tient à ce que l'année précédente a fourni davantage de fragments de pierres inscrites, bas-reliefs, provenant des dallages et fondations du palais sassanide, et que cette fois, nous avons peu travaillé dans les niveaux élamites et néo-babyloniens. Ces rubriques ont manqué sur nos listes. En tout cas, nous avons trouvé plus de tablettes inscrites et plus de cylindres-cachets (290 contre 222) et les pièces de "musée" ont été plus nombreuses que lors de la campagne précédente.

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