Roland de Mecquenem - Archives de Suse

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Cote conservation : F/17/17255 / Document original conservé aux Archives Nationales, Paris.

Fouilles archéologiques de Perse
Rapport de Mission

Campagne de fouilles à Suse

1926

I.

Partie archéologique

Les travaux ont porté sur les tells de l’Acropole, de l’Apadana, de la Ville Royale. Quelques recherches ont été faites sur la Ville des Artisans, au tépé Douëcya et au tépé Djafferabad.

Travaux à l’Acropole.

Le sondage en profondeur commencé près du château, en 1924, a été poursuivi. Nous rappelons qu’il s’agissait d’obtenir une coupe des terrains du tell à comparer avec celle de la grande tranchée du Sud-Ouest, et en particulier de vérifier la position de la céramique peinte du premier style. Cette fouille longue de trente mètres a atteint vingt mètres de largeur au III° niveau, cinq mètres au IV° niveau et trois mètres pour la dernière partie du travail, à 11m25 au-dessous du II° niveau. Le sol naturel doit se trouver encore à trois mètres plus bas. (p.2)

Les résultats obtenus en 1925 dans l’exploration des cinq premiers mètres du sondage ont été corroborés : à la partie supérieure, nous avons trouvé quelques tablettes protoélamites, accompagnées d’une céramique comprenant surtout des jarres à fond conique et des vases ronds, munis de becs dirigés vers le base ; des masses en pierre, des balles de fronde, de rares outils en métal, des poinçons en os, de petits vases d’albâtre, des cachets plats à gravure archaïque.

Au-dessous, l’on rencontre des vases de terre cuite à bec ouvert sur le bord du col, des écuelles à long manche perforé, des vases ronds avec une anse dont la courbe s’élève au-dessus du plan de l’orifice ; aussi, de très nombreuses écuelles grossières, des vases en pierre souvent quadrangulaires, des faucilles en terre cuite, des outils de potier qui sont des racloirs au tranchant convexe ; ils sont en pierre ou en terre cuite.

La couche inférieure abonde en lames de silex dentelées ou non, en nucléi de silex ; les pièces retouchées sont très rares ; l’obsidienne est fréquente ; nous ne trouvons plus les écuelles grossières, mais de petits gobelets en terre cuite ; nous avons recueilli plusieurs vases peints entiers rappelant le styles des vases peints trouvés à Abou Charein, tell Obeid en Mésopotamie, tépé Moucian en Perse ; les fragments de vases peints du 1er style sont très abondants dans les terres, mais il n’y a pas de pièces entières. En fin de fouille, nous avons trouvé une tombe (p.3) d’enfant ; les ossements étaient recueillis dans un très grand vase à fond plat pourvu de deux poignées (Fig.1) ; nous avons traversé un four de potier, et trouvé non loin des amas des boules de terre crue de 7 cm. de diamètre, des balles de fronde, probablement prêts pour la cuisson.

Nous avons mis à part provenant de ce chantier, quelques cachets archaïques en pierre, un très beau cylindre cachet, avec légende, des masses de pierre, des vases d’arragonite, des grosses perles, des figurines d’animaux en terre cuite avec peinture, une fusaïole peinte etc…

En résumé ce sondage est descendu jusqu’au niveau de la civilisation du 1er style, il a rencontré une civilisation à vases peints analogue à celle des couches inférieures d’Our et de Mouçian ; le décor n’est pas en progrès, mais les formes sont plus pratiques.

Travaux à l’Apadana.

Palais Achéménide :

a) Parvis central

Une tranchée de trois mètres de largeur moyenne sur six mètres de profondeur et trente mètres de longueur a été exploitée en avant du mur de briques crues limitant à l’Ouest les fondations de gravier ; ce mur était élevé verticalement du fond d’une fouille de 9m de profondeur pratiquée dans la colline nécropole. Au niveau du dallage, le terrain remblayé entre le mur et la colline a (p.4) une largeur d’environ 1m50 qui diminue en profondeur ; notre travail a exploité en partie ce remblai, ce qui explique en partie son peu de rendement ; nous avons trouvé un puits achéménide avec garnissage en briques cuites dans l’angle Sud Ouest de la Cour ; à trois mètres de profondeur nous avons dégagé plusieurs tombeaux de la fin de l’époque élamite, avec bracelets de bronze et perles de cornaline, vases émaillés à base carrée et couvercle à bouton ; épingles à tête de bitume recouverte d’une feuille d’argent.

b) Parvis oriental

Les campagnes précédentes avaient montré qu’à l’Est du parvis central, une partie importante de la butte nécropole avait été épargnée par les travaux de fondation du palais ; nous y avions fait des tranchées depuis 1923, et en 1925, un sondage avait atteint le sol naturel ; nous avions soupçonné qu’il s’agissait d’une troisième cour, dont le dallage manquait pour nous indiquer les dimensions ; notre travail était gêné par le manque de dégagement pour nos wagons, nous avions une seule sortie à 2m20 de profondeur, élargie pour deux voies ; nous nous sommes décidés à traverser la fondation de gravier vers le Nord, sur une longueur d’une vingtaine de mètres, à une profondeur de 5m50. Ce travail amorcé en 1925 a été terminé vers le 20 Février 1926. Il nous a permis d’activer notre exploration.

Le parvis oriental était carré comme les deux autres ; (p.5) il avait 53m50 de côté, entre les murs de briques crues limitant le gravier, un décrochement en saillie de 3m60, sur 14m50 de longueur, existe au milieu du côté Sud.

Le côté Nord est bordé par la ligne de huit fondations en pierre pour bases de colonnes trouvée en 1923. Elle est à deux mètres au-dessous du niveau général du palais ; nous pensons qu’elle n’a pas de rapport avec le parvis oriental et que c’est un témoin d’une idée d’architecte qui n’a pas été suivie.

Nous avons surtout exploré l’Est du parvis jusqu’à 7m50 de profondeur. Les résultats sont différents suivant les points de fouilles, le niveau des vases polychromes par exemple est de 3 à 6m. de profondeur au Nord, à 7m50 de l’Est et n’a pas encore été atteint au Sud. Nous sommes donc sur le flanc Sud de la butte Nécropole et à une extrémité orientale, alors qu’au parvis central, nous avons déterminé l’extrémité occidentale.

Toutes les tombes dégagées cette campagne sont antérieures à l’époque de Hammourabi ; les inhumations sont faites sous des sarcophages en terre cuite, ou dans des jarres, ou sous des éclats de grandes jarres ( pl. II ) . Les sarcophages les plus anciens sont à moulures renforçant les parois, ils sont accompagnés de vases en terre cuite, parfaitement tournés et cuits, généralement de forme assez trapue ; le col est souvent peint en rouge. Nous avons (p.6) recueilli en particulier deux vases de formes très anciennes ; ils sont cylindriques, légèrement tronconiques. Quatre boutons en saillie sont percés verticalement pour le passage d’anses funéraires qui traversaient aussi le bord inférieur du vase par un trou incliné ; elles se réunissaient sous le fond qui est relevé à cet effet. Ces vases sont décorés de traits en rainures qui étaient remplies de couleur blanche. Le décor de l’un d’eux est un oiseau naïvement exécuté et des lignes de petits cercles ( pl. III ) ; sur l’autre est un oiseau et un bouquetin. Nous avons trouvé dans la fouille du parvis central 1924, un vase analogue, mais sans trace d’incrustation blanche dans les rainures.

Au dessous du niveau à sarcophages et jarres funéraires, nous trouvons de nombreux fours de potier et des tombes qui nous avaient paru d’abord être à même la terre et recouvertes de terre pilée. Les exemples suivants relevés cette année, nous montrent que plus probablement ces inhumations sont faites dans des caveaux en terre crue, difficiles à distinguer.

Un petit sarcophage de terre crue était ouvert par en haut ; (ovale : 0m70x0.45-prof.0 m27) il contenait un squelette complet d’enfant et un crâne d’adulte ( ?) ; il renfermait plusieurs très petits vases de terre cuite, de jolis petits vases d’albâtre et d’arragonite qui contenaient deux cylindres cachets tout neufs, il a été recueilli des perles en pâte et en pierre d’un petit collier. (p.7) Un sarcophage analogue contenait plusieurs vases de bitume taillé : un gobelet, une coupe, une écuelle quadrangulaire ; leurs formes rappellent les vases des tombes du 1° style ; de plus, deux petits vases d’albâtre, un petit vase de terre cuite à quatre boutons, un grand vase de terre cuite à oreilles, une épingle de bronze, un petit cylindre cachet, quelques perles de pierre et de pâte.

Dans un autre cas, l’inhumation avait été faite sur une natte en fibres végétales ; et accompagnée du dépôt de petits vases peints et d’un cylindre cachet en coquille.

Un autre squelette était posé sur une plaque de terre cuite de 0m03 d’épaisseur ; près de lui, étaient des vases à becs dirigés vers le bas, des écuelles de terre cuite.

Une tombe contenait un riche mobilier de vases et d’armes de bronze malheureusement très oxydés.

Il a été trouvé à ce niveau un très beau poignard de bronze : la soie se termine par un crochet fixant la poignée.

La céramique des tombes de cette époque, comprend des cratères à quatre boutons percés pour anses funiculaires et recouverts d’engobe rouge (Pl. IV); des vases peints à peinture polychrome de la fin du II° style. Un grand fragment, montre un taureau à bosse en plein galop, et la vache de même espèce peints noir et rouge ( Pl. IV ).

Les fours de potier rencontrés servaient à la cuisson de ces vases : nous avons trouvé dans un même four, onze (p.8) vases peints déjà cuits ( Pl. VI ) , un cratère à engobe rouge dans une chambre à feu ; près des fours nous avons trouvé des amas d’écuelle, des vases de terre crue, de nombreux trépieds pour la séparation des pièces, des bobines (?) grossières en terre cuite, des balles de fronde, des râcloirs de potiers.

La chambre à feu, paraît avoir été creusée dans la colline, avec une ouverture pour mettre le combustible. La plus grande était rectangulaire (1.10x2.50 - Hr1M25) et voûtée en briques ( Pl. V ) ; l’épaisseur de la voûte était 0m30 à la clef ; des trous de 0m30 de diamètre séparés par un intervalle analogue, étaient percés dans la voûte à l’aplomb des parois ; celles-ci étaient fondues en scories sur 0m03 à 0m05 d’épaisseur. Les fondations du mur de la chambre de cuisson dépassaient de peu le sol. D’autres chambres à feu étaient circulaires, d’un mètre de diamètre à la base.

Ce niveau nous paraît correspondre à l’époque de Naramsin.

Au-dessous nous avons trouvé des échelles grossières des vases à bec prolongé, des faucilles de terre cuite, des silex taillés et des obsidiennes, des fragments de vase peint du 1er style.

À signaler encore en provenance de ce chantier quelques figurines de terre cuite, quelques tablettes (p.9) inscrites dont plusieurs en forme de lentilles ; du mobilier des tombeaux, des pendants d’oreille et des épingles en argent, des bracelets et haches de bronze.

En résumé, nous trouvons que la colline argileuse primitive de l’Apadana fut occupée d’abord par des cimetières et des ateliers de potiers. Les cimetières étaient alors groupés autour de petits édifices religieux.

c) Mur extérieur du palais.

Nous avons pu suivre les fondations du mur extérieur du palais à l’Est jusqu’à la hauteur du 3° rang de colonnes de la salle hypostyle ; dans les matériaux nous avons encore trouvé quelques briques à relief appartenant aux animaux ailés ; ceux-ci sont donc antérieurs à la construction de la salle hypostyle. Quelques briques à relief et inscrites proviennent du temple d’In Chouchinak réparé par Kutir Nakhunté et Silhak.

À ce propos, nous indiquerons que les panneaux homme, taureau et arbre, ont été montés par les ateliers du Louvre ; en rapprochant des deux motifs, on s’aperçoit qu’il n’est pas impossible de supposer qu’ils se complètent l’un l’autre ; de sorte que l’homme taureau tiendrait l’arbre d’une main, et de l’autre cueillerait des fruits. L’arbre n’aurait pas de bras lui appartenant, ce qui était une singularité ; celui que nous lui avions (p.10.) attribué serait formé des deux avant bras de l’homme taureau. Pour être absolument certain de cette nouvelle interprétation, il faudrait trouver réunis sur une même brique la base du tronc de l’arbre et l’extrémité du sabot du taureau ; cette extrémité nous manque encore.

Les fondations du mur avaient une largeur de 1m27, la base est à 4m50 au-dessous du niveau du palais. L’appareillage était bien conservé sur une hauteur de 0m75, au-dessus les briques étaient moins régulièrement disposées. La distance du mur au gravier des fondations est de trois mètres. Nous avions déblayé dans cet intervalle en 1925, un fragment de fût de colonne des portiques,de 3m de longueur (Pl. VII et VIII ) ; nous avons trouvé au voisinage, une base de colonne à peu près complète (Pl. VII et VIII ) , soit qu’elle ait été entraînée dans l’entonnoir créé par le fût de colonne en tombant, ou enterrée à dessein dans un nivellement de terrain à bâtir. Elle est du même type que celles qui ont été déjà exhumées mais l’ornementation de même style est un peu différente.

Nous l’avons recouverte de terre pour éviter les détériorations, dans le même esprit nous avons commencé à épandre de la terre (10 à 20 centimètres) sur les sols bétonnés du palais qui souffraient beaucoup du va et vient des troupeaux. La terre nécessaire a été extraite des parvis ouest et est ; ces dernières fouilles ont fourni quelques vases de terre cuite. (p.11)

À l’extérieur et au-dessous des fondations du mur nous avons trouvé des tombeaux ; près de la surface, des caveaux voûtés en briques cuites entourés des jarres funéraires contenant des squelettes d’enfant ; époque élamite ; au-dessous des sarcophages sans moulures puis des sarcophages à moulures ; l’un de ceux-ci était à 5m de profondeur (ovale de base : 1m18 et 0m55). Le mort était couché au-dessous sur le côté droit ; les membres repliés ; il était paré de pendants d’oreille et de deux bracelets dont l’un en argent ; près du crâne était une hache de bronze ; contre le tombeau, étaient dispersés un vase de bronze, plusieurs poteries dont un vase au col peint en rouge ; une poignée de pointes de flèches en bronze.

Immédiatement au dessous du mur se trouvaient plusieurs grands vases à peinture polychromes, malheureusement brisés par les racines de câprier sauvage qui descendent jusqu’au niveau aquifère ; nous avons poursuivi la fouille à 7m50 de profondeur, trouvant quelques tombes à mobilier de vases polychromes pris dans une terre très dure. Un peu plus bas, nous avons trouvé des vases à becs, des faucilles de terre cuite des écuelles grossières, en résumé la même coupe qu’au parvis oriental.

Fouille à l’Est du palais.

Nous avons voulu étudier la largeur du remblayage qui s’étendait en avant de la grande porte orientale du (p.12) palais ; le nivellement avait été commencé autrefois et avait fourni des briques d’archers achéménides réemployées dans des canalisations. Nous avons rencontré des restes d’une construction arabe assez importante ; deux colonnes en briques désignaient l’entrée ; les pièces étaient carrelées en briques jointes au plâtre. Cette fouille a donné quelques fragments de vases arabes.

Fouilles à la Ville Royale.

C’est à la « Ville Royale » que nous avons fait le plus grand effort ; nous avons repris les travaux de 1924, qui avaient suivi en l’élargissant et l’approfondissant la grande tranchée Morgan de 1897.

Un premier niveau de trois à cinq mètres au-dessous de la superficie a été créé ; sol d’une grande tranchée de 25mètres de largeur et 80 mètres de longueur ; il a été choisi parce que nous avions reconnu à l’entrée des vestiges de sol bétonné recouvert d’ocre rouge que nous connaissions du palais achéménide ; nous pensions trouver un édifice important ; en réalité, nous avons rencontré un mur en briques crues achéménide fort épais et affleurant presque sur toute sa longueur, un mur semblable perpendiculaire existe au bout de la tranchée ; il est possible que ce soient les restes de la fortification achéménide. Une tranchée perpendiculaire à la première de cinquante mètres de longueur, a été fouillée à un deuxième niveau (p.13) de 5m25 plus bas que le premier. Nous avons d’autre part commencé à explorer un niveau intermédiaire à 2m au-dessous du Niveau I ; nous avons profité d’un ravin au Nord de la tranchée de profondeur pour amorcer une autre sortie du Niveau II.

a) Fouille au dessus du Niveau I.

À fleur de sol, nous avons rencontré des carrelages et fondations de constructions arabes ; nous avons exploré leur nombreux puits de décharges ; la trouvaille d’un vase en terre cuite émaillée ( Pl. X ) contenant un petit trésor de monnaies coufiques, nous permet d’attribuer les constructions au XIe siècle de notre ère ; nous avons pu séparer la poterie et la faïence d’une époque un peu plus ancienne, Xe siècle environ.

Au dessous du niveau arabe, nous avons rencontré de nombreuses tombes de basse époque, sassanides et parthes ( Pl. XI ) ; les corps sont refermés dans de grandes jarres cylindriques à fond arrondi, à large orifice, et sans col ; elles sont enduites intérieurement de bitume ; parfois la sépulture a lieu dans un sarcophage en terre cuite, fait pour contenir un corps couché sur le dos ; c’est à dire élargi aux épaules et rétréci progressivement vers les pieds, avec une petite rentrée intérieure de l’extrémité. Parfois la sépulture est plus compliquée ; c’est ainsi qu’un sarcophage était recouvert par deux rangées de grandes jarres debout inclinées l’une vers (p. 14) l’autre ; près des jarres était une écuelle en et une gourde en terre cuite émaillée et une lampe de terre cuite ; ce sarcophage renfermait les restes de trois enfants. Un sarcophage était en terre cuite émaillée intérieurement.

Nous pensons que cet étage est sassanide ou partho romain..

Nous avons trouvé dans les terres des figurines gréco parthes, en terre cuite, des statuettes grossières en os travaillé, une jolie lampe en bronze ornée à la poignée d’une croix byzantine ; nous avons trouvé des fragments de vases romains et de vases grecs, un sceau achéménide sur terre crue, plusieurs entailles partho-grecques, de nombreuses poteries arabes, faïences arabes, gourdes sassanides et parthoromaines, une épée en fer, des fragments de poterie avec inscription à l’encre, probablement sassanide, des estampilles grecque et araméenne sur anses de jarres, ou sur poterie.

Aux deux tiers de la tranchée, nous avons constaté l’existence d’un ancien ravin ; les constructions arabes descendent jusqu’au sol de la tranchée signalée par deux colonnes en briques, portant encore trace du stuc qui dessinait un tore au-dessus de la base carrée ( Pl. XIII ) ; dans cette construction étaient réemployées des briques estampillées de Nabuchodonodor.

Il y avait donc à l’époque arabe deux monticule distincts et le mur achéménide dont nous avons parlé en (p.15) suivait les pentes. Dans le noyau du monticule ouest, nous avons trouvé un caveau funéraire en briques crues qui ne renfermait pas moins de sept squelettes accompagnés d’un riche mobilier, de nombreuses jarres en terre cuite à long col et sans anses, à fond conique ( Pl. XIV ) , de grands vases ronds et de nombreux flacons en terre cuite émaillée ces derniers sont souvent à décor polychrome, des vases de bronze. Citons en particulier une petite tasse émaillée en blanc dont l’anse se recourbe en tête de canard au bec jaune, un vase en pâte de verre ; des perles de pierre et de pâte, deux boucles d’oreille en or filigrané.

Une tombe analogue a été découverte fortuitement au niveau du sol de la tranchée ; elle renfermait un seul corps étendu sur le côté gauche ; les bras étaient repliés, les mains plongeaient dans une coupe de bronze ; le long du dos étaient placés plusieurs petits vases émaillés.

b) fouille du niveau intermédiaire

La découverte précédente nous a engagé à créer une nouvelle voie de sortie pour explorer ce point particulier, la tranchée est descendue à deux mètres au-dessous du Niveau I.

Cette profondeur s’est trouvée correspondre à un ancien sol de constructions ; nous avons dégagé un ensemble de canalisations en briques cuites. Cette tranchée n’a pas encore atteint son but ; cependant près du bord du tell, (p. 16) nous avons trouvé plusieurs tombes préachéménides à grandes jarres ( Pl. XVII ) ; l’une d’elles contenait des vases en terre cuite émaillée, des vases de bronze, dont un grand bassin, diam. 0m42, à deux anses fondues ; nous avons recueilli une centaine de bracelets de bronze, quelques bracelets en argent, des outils de bronze, des armes en fer.

Cette tranchée a fourni quelques fragments de tablettes inscrites, des figurines, parmi celles-ci, une statuette d’un type connu par de nombreux fragments ; un marchand de poisson criant sa marchandise ; elle n’est pas encore cuite ; dans des puits nous avons trouvé des fragments de vases grecs avec traces de peinture, une lampe grecque, quelques intailles, des fragments de faïence arabe.

c) Tranchée en profondeur

Nous avions trouvé dans cette tranchée en 1924, plusieurs tombeaux voûtés et des jarres funéraires ; l’élargissement et l’approfondissement que nous avons réalisé nous a donné les mêmes résultats. Nous avons trouvé trois tombeau voûtés, néo-babyloniens, presque sans mobilier ; ils étaient revêtus intérieurement d’un enduit à la chaux. Nous avons déblayé deux tombeaux un peu plus anciens ; entre lesquels se trouvait un sarcophage à moulures peint au bitume ; l’un d’eux contenait de (p. 17) nombreux ossements, une grande coquille marine, trois petits poids en hématite, un cylindre en pâte bitumineuse, une perles en or à bossettes. Le sarcophage ne contenait rien en dehors de ossements.

Parmi les sarcophages en terre cuite déblayés, signalons en deux particuliers ( Pl. XVI ) : d’abord, ils avaient un fond et un couvercle, de plus, ce dernier était pourvu dans un cas d’un évent, dans l’autre, il était orné d’une tête de bélier en ronde bosse.

Ce chantier a donné des figurines de terre cuite, quelques intailles élamites.

d) Fouilles du ravin oriental.

Cette fouille d’une quarantaine de mètres de longueur amorce une tranchée de même profondeur que la précédente et sensiblement parallèle, distante d’une vingtaine de mètres à l’Est.

Elle a mis à nu sur sa paroi ouest, un mur en briques crues ; en avant de celui-ci était un puits d’alimentation en eau, dont la tête était en briques moulées à voussoir, et un réservoir citerne en briques jointes au bitume.

Nous avons trouvé près de là une brique à reliefs appartenant à « l’homme taureau » ; il est possible qu’il y ait eu là encore un sanctuaire au dieu Chouchinak. Ce sanctuaire se trouvait précisément entre les deux ravins qui ont facilité nos tranchées. (p. 18)

À part des restes de construction, nous n’avons rencontré que des tombes dans toute la coupe.

Au sommet (+10m25) était un sarcophage de 0m95 de longueur, en terre cuite, contenant des ossements d’enfants (Sassanide)- au-dessous des tombes à même la terre avec mobilier de vases de terre cuite, néo-babyloniens, plus bas de nombreuses jarres funéraires (hauteur 0m70-Diam. sup. 0m75) renfermant parfois plusieurs individus ; une grande jarre (H :1m) renfermait des ossements d’enfants, plusieurs coquilles marines, un broyeur à grains, un percuteur, une pierre de gond, une tablette inscrite ; non loin un vase de terre cuite contenait plusieurs tablettes inscrites ; ce sont des tombes élamites. Nous avons déblayé plusieurs tombeaux voûtés en briques cuites.

Le plus important, néo-babylonien ( Pl. XIX ) , mesurait 1m70 de largeur, 2m50 de longueur hors œuvre ; il était orienté Est Ouest ; à l’une des extrémités était accolé un puits latéral (1m50x1.10) ; il communiquait avec le tombeau par une fenêtre (0.80x0.70) qui au moment de la découverte, était fermée par un grand carreau de poterie ; nous n’avons trouvé que des ossements.

Un autre tombeau, néobabylonien également était sur plan carré (1m50) il était précédé d’un puits construit avec des briques sur champ. (1m70 x 0.90). Sous la voûte étaient entassés les ossements d’une vingtaine (p.19) d’individus ; de petits fragments de feuilles d’or adhéraient encore sur les os frontaux ; parmi les ossements gisait une tête modelée en argile de 0m255 de hauteur ( Pl. XXI, fig. 1. et 2. ) . Le cou trop rond (0.09) est percé par en dessous d’un trou assez profond, pour la cheville de la sellette du praticien, ou pour un bâton destiné au transport. Les cheveux, la barbe, les sourcils, la prunelle sont peints avec un vernis noir. Le visage est assez allongé, la lèvre inférieure est saillante, les yeux très grands se relèvent vers les temporaux ; le nez est busqué, la barbe et les cheveux sont frisés. La nuque et la partie postérieure du crâne sont négligées ; l’expression du visage est très douce et sérieuse. Nous supposons que lors de l’inhumation, le visage du mort n’était pas susceptible d’une exhibition publique, et a été remplacé sur la civière par la tête hâtivement modelée et faite pour avoir une certaine stabilité couchée horizontalement. Nous ne savons pas du tout si l’inhumation comportait parfois de semblable cérémonie ; nous le présumons à cause de la présence de feuilles d’or sur les crânes du même tombeau ; nous savons que les morts étaient ensevelis avec un suaire et avec des bijoux ; à quoi bon cet étalage, si la cérémonie était sans témoins ; nous avons du reste trouvé deux autres simulacres de visage humains dans les tombeaux ; l’un est une petite tête grossière modelée en argile et portant traces de peinture ; l’autre était un pain de terre blanchi à la chaux, dans lequel on avait esquissé grossièrement au pouce, les yeux, le nez, la bouche.(p.20)

Dans la chambre ou puits attenant au tombeau nous avons trouvé des fragments d’une tête en argile analogue à celle que nous avons décrite.

Le tombeau renfermait encore quelques petits vases de terre cuite, une petite coupe en pierre dure, une pendeloque, une agrafe de bronze.

Un autre tombeau, sur plan rectangulaire (1m60 x0.95) ne renfermait qu’un seul individu ; à l’entrée, dans un petit vase se trouvait une quinzaine de petits poids en hématite, généralement en fuseaux, l’un était un petit canard, un autre, une souris ( ?), un autre, un insecte ; de plus, nous avons recueilli un petit miroir circulaire et un bracelet de bronze. Un tombeau analogue (1.10 x 0.70) était précédé d’une petite chambre à offrandes, couverte en partie par un grand éclat de jarre ( Pl. XXIII, fig. 3 ) ; il renfermait les restes d’une douzaine d’individus, nous avons recueilli quelques vases de terre cuite, deux d’entre eux étaient jumelés, aussi une paire de petits bœufs en terre cuite.

Cette tranchée a fourni d’autre part deux poids en pierre, dont l’un est en forme de canard (environ 3Kgs), quelques figurines, dont un petit personnage grotesque émaillé, une plaquette de schiste gravé représentant sans doute l’ébauche d’un artiste en intaille, un petit bas relief en terre cuite, etc…(p.21)

Fouilles à la « Ville des Artisans »

La construction d’un bureau de douane à Suse a incité les chercheurs de briques anciennes à entreprendre des recherches de pans de murs à exploiter. Je n’ai pu obtenir que leur cantonnement à la Ville des Artisans, hors de la Suse élamite.

Ils ont repris la démolition d’une villa arabe, du XIIe siècle, celle où l’on avait trouvé en 1923, un petit pot contenant 14 pièces d’or coufiques. J’ai fait suivre ces travaux qui ont fourni quelques vases arabes ; j’ai rapporté en particulier deux belles terrines émaillées du IXe siècle ; à citer encore un grand vase en terre cuite de même époque, décoré à la pointe et au pouce, une lampe taillée en pierre tendre avec de nombreux becs périphériques.

Les gamins ont profité des pluies pour ramasser des petits objets hétéroclites et de nombreux petits bronze, généralement de la monnaie d’Elymaide, quelques pièces d’argent sassanide et parthes.

Fouilles de Djafferabad

Djafferabad est un petit groupe d’éminences artificielles, qui se trouve en amont de Suse, sur la rive gauche du Chaour, à environ 7 kilomètres ; le campement d’un séid est auprès et dès les premiers jours de mon arrivée, on m’apporta des échantillons de céramique peinte, et des fragments de vaisselle arabe du XIIe siècle. Je fis (p.22) travailler en cet endroit par intermittence et surtout après le 21 mars.

Nous avons recueilli des fragments de vases peints du 1er Style, une petite coupe peinte entière, des figurines de même époque ; des fragments d’écuelles et de plats appartenant à un style intermédiaire ; la forme des écuelles nous a rappelé les poteries de Rhagès ; nous avons eu un pot en terre cuite émaillée à deux anses, deux pierres tombales assez grossières que nous attribuons au XIIe siècle de notre ère ( Pl. XXIII, fig. 1. ) ; les objets représentés sont épée, poignard, vases, bracelets.

On nous a apporté également un cachet archaïque et une entaille greco-parthe.

Fouilles de Douecya

Une tentative a été faite sur ce tépé à la requête d’un chef de chantier jaloux de celui qui opérait à la Djafferabad.

Il a été recueilli des fragments de vase peint du 1er style sans intérêt particulier.

On trouvera plus loin l’inventaire des 530 objets au lot d’objets inventoriés ; les fragments de vases peints de Suse, de Djafferabad, de Douecya, les briques à relief, les briques émaillées achéménides ; objets d’étude ou parties d’ensembles à reconstituer n’ont pas été inventoriés.(p. 23)

Les antiquités rapportées comprennent grosso modo : 30 poids en hématite, 3 poids en pierre, 69 intailles, 75 figurines, 14 vases en bronze, 18 vases de pierre, 60 vases émaillés, 25 numéros de bijoux et pièce de monnaie en argent et or, 17 objets en os, 5 armes de fer, 22 outils et armes de bronze, 13 bracelets et épingles de bronze, 9 amulettes, 19 objets en pierre, 6 fragments de pierre inscrite 3 objets en bitume ;

Notre envoi comprend 19 caisses d’antiquités, dont sept contiennent des briques achéménides et élamites ; les douze autres contiennent les éléments définis plus haut et les objets inventoriés de la campagne précédente.

Les difficultés de transport et d’emballage, le souci de ne pas dépasser mon budget, m’ont empêché de rapporter des colis trop encombrants, tels que jarres funéraires ( Pl. XXIV ) , sarcophages sassanides ou élamites.

Nous avons procédé au triage de toutes les briques émaillées entreposées dans nos magasins ; il pourrait être rapporté une dizaine de caisses de belles briques.

Nous avons travaillé à la reconstitution d’un panneau globe ailé et lion ailé à tête humaine ; le Louvre possède deux de ces panneaux ; le lion et le soleil étant les emblèmes de la Perse actuelle comme de la Perse de Darius, il nous a paru qu’il serait peut être politique d’offrir ce panneau au nouveau gouvernement de l’Iran.

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