Cote conservation : F/17/17255 / Document original conservé aux Archives Nationales, Paris.
L'effort principal a porté sur l'exploration de la nécropole élamite commencée en 1914 et continuée en 1921 à l'est du palais des rois Achéménides.
Les tombeaux retrouvés s'étagent là sur une hauteur d'une quinzaine de mètres, représentant tous les modes d'inhumation en usage depuis le XXe siècle avant notre ère jusqu'à l'époque de Darius I°.
Les corps sont souvent inhumés vêtus et parés, accompagnés d'un mobilier de vases funéraires en bronze, en terre cuite, en terre cuite émaillée, d'armes et d'outils. Ils sont parfois rassemblés dans des caveaux voûtés en briques crues ou cuites ou enterrés isolément dans des jarres de dimensions appropriées, ou dans des sarcophages en terre cuite dont la forme rappelle celle de "baignoires renversées". Des tablettes inscrites sont fréquemment trouvées dans les sépultures. Il a été recueilli de nombreux objets dont le plus inédit est une statuette, haute de 0,40 en terre cuite émaillée polychromée. Le personnage, à la tête grimaçante, est vêtu d'une robe et a les mains jointes sur la poitrine.
Dans les ruines de constructions élamites ont été retrouvées des briques cuites inscrites au nom des rois Kutir Nakkunte et Silhak et des briques à reliefs.
Ces dernières ont servi à décorer le sanctuaire du dieu Chouchinak, construit par les rois susiens précédemment nommés. (p. 2)
En réunissant les briques à reliefs à celles trouvées dans les trois campagnes de fouilles précédentes, il a été possible de reconstituer trois différents sujets hauts chacun de 14 éléments (1m.20) qui devaient être répétés le long du mur ; ils étaient surmontés d'une frise à dessin géométrique en relief, qui a été reconstituée.
Les motifs sont :
un homme taureau ;
une sorte de sphynx, le bas du corps se terminant en demi-colonne engagé.
un palmier stylisé ; un bras humain sort du tronc au-dessous de la naissance des feuilles et des fruits et la main vient ressaisir l'arbre.
Ces figurations dont les deux dernières sont originales dans les représentations assyro-babyloniennes, sont "susiennes" de conception comme d'exécution.
La fouille a également recueilli de nombreuses tablettes et empreintes datant d'époques diverses à partir des rois d'Ur (XXIIIe siècle avant notre ère).
Des fouilles préparatoires exécutées en surface au bord du « tell » ont trouvé dans des ruines musulmanes une curieuse lampe en bronze dont le couvercle à charnière figure une coquille et dont l'anse recourbée se termine par un masque humain. Une collection de pointes de flèches et de piques en bronze et une grande dalle de calcaire blanc (2m.50 x 1,10 x 0,35).
Cette dernière était taillée en forme de stèle pour être dressée verticalement ; sur une des faces, est ménagée en saillie, une bande qui suit le contour arrondi au sommet. Un dard en relief pointé vers le bas, traverse obliquement le champ ; nulle inscription ; l'époque est incertaine (grécoparthe ?) ; mais il s'agit certainement d'un monument funéraire ; c'est la stèle au guerrier (p. 3) inconnu. Une autre dalle de pierre porte, sculpté en creux, un svastika, symbole rare à Suse.
Il avait été observé que la nécropole élamite devait se prolonger sous les terrassements du palais achéménide.
Une fouille entreprise au-dessous du dallage de la grande cour centrale (30m. x 30m.) a prouvé cette continuation. Elle a déblayé plusieurs caveaux funéraires voûtés, retrouvé de très nombreuses sépultures ; un vase funéraire contenait, avec un squelette d'enfant, des figurines de terre cuite d'un exceptionnel état de conservation. Une dalle carrée probablement sanctuaire a été reconnue entourée de murs en briques crues ; on a trouvé des petits murs délimitant des terrains concédés à des groupements pour l'inhumation, et, dans ces enclos, de beaux sarcophages en terre cuite (1m.70 x 0,70 x 0,60) en forme de "baignoires renversées". La surface extérieure est ornée et fortifiée par des moulures et peinte au bitume. Le mobilier en était particulièrement riche, comportant des vases d'argent et de bronze ; l'un d'eux renfermait deux coiffures en argent, cinq couvre-seins de même métal ; un bracelet d'or, deux en argent, des boucles de ceinture en bronze ; un autre contenait, avec des vases de bitume et d'albâtre, un précieux plateau de bitume noir qui est un des très beaux objets sortis des fouilles de Mésopotamie ; il est circulaire, de près de trente centimètres de diamètre ; le rebord est décoré de six plaquettes blanches (en coquille), fixées chacune avec deux clous de bronze à tête dorée ; il était porté sur trois pieds montés à goujon de bronze formés chacun d'un bouquetin se raccordant d'une part au plateau par l'arrière-train et de l'autre, reposant sur la poitrine, les pattes repliées sur le corps, le cou redressé supporte la tête raccordée au corps par la coupe gracieuse des cornes sculptées à jour. (p. 4)
Les yeux sont incrustés en blanc avec une pupille bleue ; hauteur totale 0m185. Cette pièce date d'au moins 2000 ans avant notre ère, tandis que les sarcophages sont provisoirement attribués au VIIIe siècle avant notre ère.
À la profondeur de 7m au-dessous du sol du palais, il a été déblayé deux grands caveaux funéraires jumeaux, construits tous deux en briques cuites, inscrites au nom du roi Attapaksou (2000 avt. J.C.). Ils avaient été tous deux violés, mais près de l'un d'eux on retrouva des vases de bronze et d'argent, des restes de pièces en marqueterie, ivoire et bitume et, au-dessus, un bandage en bronze d'une roue de char. Il dessinait un cercle de 1m.05 de diamètre posé à plat sur le squelette d'un cheval de forte taille. Il se compose de six sections ; chacune d'elles, demi-circulaire en coupe, comporte trois paires de pattes traversées d'un gros clou pour la fixation sur le bois de la jante. Il ne subsiste de celle-ci que des traces charbonneuses. Il a été encore recueilli comme appartenant au char, une pièce de bronze qui devait se fixer sur le timon pour recevoir les rênes et deux clavettes de bronze pour arrêter les roues sur l'essieu ; la tête en est terminée par un petit hérisson.
Ces pièces sont ici rencontrées pour la première fois de toutes les fouilles assyro-babyloniennes.
Dans toute la fouille dite du "parvis central", il a été trouvé de nombreuses tablettes en terre crue ou cuite, en particulier à 6m. de profondeur, 5 à 6 grosses tablettes circulaires en forme de lentilles inscrites sur les deux faces. Le Père SCHEIL a reconnu d'un côté quelques mots sumériens, sur l'autre la prononciation ou appellation de ces signes en babylonien et ensuite leur traduction dans cette même langue. (p. 5)
La transcription phonétique présente quelques différences avec celle donnée pour les mêmes mots par les vocabulaires assyriens, ce qui ne s'explique guère que par des différences de prononciation dialectales : le sumérien aurait donc été parlé. On pourrait en tirer un argument puissant pour la thèse soutenue par Oppert ; le sumérien, une ancienne langue tombée en désuétude avec permanence d'emploi de son écriture, contre celle d'Halévy, qui semblait avoir rallié le plus de partisans, le sumérien, une écriture hiératique ou forgée par les scribes pour le babylonien primitif.
Ces tablettes sont de l'époque des rois d'Ur (XXIIIe siècle avant Jésus-Christ).
En dehors de la nécropole, le déblaiement du palais des rois achéménides a été achevé, laissant un massif témoin au-dessus de l'enceinte, au Nord-Est.
Il a été retrouvé des dallages, deux seuils de portes ; recueilli des fragments d'inscriptions achéménides de Darius et de ses successeurs, des briques cuites et estampillées au nom de Darius, des briques à reliefs, se rapportant à des grands panneaux représentant des griffons, des lions.
Il a été recueilli deux fragments d'inscriptions grecques ; l'un d'eux vient compléter fort heureusement un autre fragment trouvé en 1906. Ces inscriptions feront prochainement l'objet d'une communication de M. HAUSSOULLIER à l'Académie des Inscriptions.
À deux mètres au-dessous du sol général du palais, il a été retrouvé une ligne de huit fondations de colonnes achéménides, se rapportant à un palais plus ancien.
Quelques sondages sur l'Acropole ont recueilli des tablettes protoélamites ; à la Ville Royale, quelques sépultures élamites (p. 6) mises au jour par les pluies ont été fouillées au pied du donjon.
En dehors de Suse, il a été exploré une butte, à 3km au nord, sur les bords du cours d'eau Chaour. La partie inférieure renferme de nombreux fragments de la poterie fine préhistorique de Suse ; la partie supérieure, des tombes parthes.
À Ahwaz, enfin, la mission a pu recueillir, dans les ruines de l'ancienne cité, de nombreux échantillons de poterie parthe et sassanide.
Il a été remis au musée du Louvre trois cent cinquante-trois objets ou sujets inventoriés, comprenant 47 grammes d'or et 2200 grammes d'argent. Il a été payé au gouvernement persan, aux termes de la convention régissant les fouilles, une somme de 1030 krans (1088 F au change moyen), valeur au poids de métaux précieux.
Il a été employé environ 350 ouvriers. Sur 150.000 F ordonnancés, il a été dépensé environ 121000 F dont 70000 pour les travaux de fouilles.
Le programme de l'année 1922-1923 comporte l'achèvement du sondage du parvis central du palais achéménide et quelques recherches dans les autres fondations et l'approfondissement des sondages au "tell" de la Ville Royale, celui-ci devant refermer les ruines des palais des rois élamites, encore inconnus.