Roland de Mecquenem - Archives de Suse

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Cote conservation : F/17/17257 / Document original conservé aux Archives Nationales, Paris.

TRAVAUX ET RÉSULTATS.

( pl.I )

Le Dr. J. M. UNVALA, après avoir collaboré avec le Dr. CONTENAU et Mr. GHIRSCHMAN aux fouilles de Néhavend, arriva le 17 Décembre à Suse, et après avoir encaissé à Nasseri les chèques remis, fit sortir le matériel et mettre en état les wagons. MRS de Mecquenem et Marquet arrivèrent le 28 Décembre. Le contrôleur persan, Mr. Mustafavi, se présenta le 31. Le numéraire fut obtenu de DIZFUL le 2 Janvier. Les travaux de fouilles commencèrent le 5 Janvier, ils ont été terminés le 19 Avril.

Le nombre des ouvriers a varié de 422 le 7 Janvier à 888 le 31, de 909 le 29 Février, de 884, le 20 Mars, de 692 le 22, de 600 le 31 Mars, il n'était plus que de 458 le 15 Avril.

Comparés avec les chiffres de main d’œuvre de l'année 1931, nous constatons que le travail en 1932 correspond à un mois de plus avec 900 ouvriers par jour.

L'inventaire des antiquités de 1932 comporte 1068 numéros contre 518 en 1931. Il a été réalisé en 15 opérations contre 4, l'année précédente, ce qui multiplie les numéros en empêchant la réunion d'objets analogues dans un même lot ; 222 cylindres et cachets représentent 30 numéros d'inventaire en 1932, 140 en 1931, ont été inventoriés en 9 numéros. D'autre part, en raison du partage, les briques en terre cuite émaillées ou non, les paniers de silex, de lampes, d'objets divers n'ont pas été numérotés. Les résultats (p. 2) peuvent être considérés comme comparables ; cela tient à la diversité des chantiers de fouilles et à leur nombre ; celui-ci est du reste imposé par l'utilisation du matériel roulant. Le nombre des portes de sorties des déblais est limité et conditionne le nombre des tronçons de voie ; chaque voie ne peut desservir que douze wagons au maximum.

Les chantiers ont été au nombre de six :

Deux sur l'Acropole -I et II.

Trois sur la Ville Royale - I, II et Donjon- (Ce dernier se subdivisant : Donjon et Ravins du Donjon)

Un sur la ville des Artisans.

Travaux à l'Acropole

( pl.II )

Chantier I ( pl.III,1 et 2 )

Sondage en profondeur au-dessous du IIe niveau, à proximité du château de Suse. Continuation des fouilles antérieures. Une citerne avait été précédemment reconnue ; le déblaiement a été terminé. Elle mesurait en plan : 7 m. sur 14m. Elle était creusée dans le tell ancien au-dessous du IIe niveau jusqu'à la profondeur de 7m,75 au-dessous. La fosse était entourée de murs de soutènement en carreaux de briques cuites ; l'espace entre le mur et la paroi de la fouille était remblayé. Nous avons recueilli dans les remblais comme dans le remplissage de la citerne des débris d'époque achéménide - fragments de vases en arragonite, portant parfois des inscriptions des rois, le plus souvent Xerxès, des fragments d'oreilles et cornes de taureaux des chapiteaux de l'Apadana, des perles de cornaline ; un scarabée en agate.

Dans les matériaux du mur se trouvaient quelques fragments de briques inscrites de Choutrouk Nakhounté et de ses successeurs mais il est plus plausible que la citerne est d'époque achéménide (p. 3).

Entre le IIe niveau et 8 mètres au dessous, les terres ont été évacuées au moyen des wagonnets. Les résultats ont corroboré ceux des précédentes saisons ; nous avons cependant déblayé un silo à grains dont les parois verticales avaient été conservées sur près de deux mètres. Elles étaient enduites de chaux. Le fond en terre battue, était ovale (1m,50 x 1m,20). Nous avons pu recueillir quelques grains carbonisés que nos gens ont reconnu pour du riz non décortiqué. Cette découverte nous a expliqué la présence, dans ce chantier, d'aires de formes diverses rencontrées aux divers étages de la fouille - nous avions pensé à des sols de cabanes, à des emplacements de travail des potiers- nous savons à présent qu'il s'agit de fonds de silos, creusés en terre pour l'emmagasinage des graines.

Nous avons trouvé comme précédemment des vases de terre cuite ; des outils de potiers en pierre, en terre cuite, en os ; quelques cachets, un poids en gypse avec une poignée.- parmi les vases, signalons un biberon ayant vaguement la forme d'un sanglier ( pl.III,3 ) .

L'étage inférieur, jusqu'au sol naturel, a rencontré de rares petits vases de la poterie peinte de Suse I de nombreux fragments de cette poterie et de poterie rouge, qui semble bien de même époque, des figurines de terre cuite, des boutons-cachets.

Parmi ces derniers, signalons une pièce de grandes dimensions (0m,06) ; ce grand cachet montre trois quadrupèdes ( pl.III,5 ) ; l'un porte deux longues cornes et doit être un bouc sauvage ; on remarque encore deux oiseaux et deux swastikas. Le style de ces représentations est bien le même que celui des figurines de vases peints du même étage.

Parmi les fragments de vases peints, nous en avons rencontré (p. 4) quelques-uns appartenant à la panse d'un même grand vase ( pl.IV ) ; le décor montre des lévriers courants après des chèvres sauvages ; un chasseur aux cheveux flottants tient dans la main droite deux projectiles et dans la main gauche un lasso qu'il vient de lancer vers le gibier que poursuit son chien. Entre les figures sont des sortes d'autels sur lesquels sont des tiges massuées ou garnies du caducée.

Dans les terres retirées d'un puits l'année précédente, il a encore été retrouvé un petit lion de cornaline ( pl.III,4 ) . Il appartient au collier de l'époque d'Our III, trouvé dans le puits, grain par grain, en 1930 et 1931.

Ce chantier, ouvert le 5 janvier a été clos le 24 mars.

Chantier II ( pl.V )

Bord Sud du tell. Deux niveaux de roulage - 4 m. au-dessous du IIe niveau et 6 m. au-dessous.

Durée des travaux : pour l'étage supérieur du 9 Janvier au 2 Mars et pour le deuxième du 9 Janvier au 23 Mars.

Etage supérieur :

Nous avons enlevé une tranchée de 5 à 8 mètres de largeur sur une longueur d'environ 120 mètres. Il s'agissait de retrouver des vases peints analogues à ceux de Tépé Moussian - nous avions recueilli fortuitement l'année dernière deux beaux fragments de vases polychromes sur cet emplacement- et de rechercher des tombes antérieures à 3000 avant notre ère.

Nous avons reconnu ces tombes avec difficultés ; parce que les ossements sont presque complètement disparus ; mais la disposition des vases, des objets qui les accompagnent tels que les perles de colliers, cachets, fusaïoles, ne peuvent laisser de doutes. Nous avons trouvé des vases polychromes, de petits vases (p. 5) en arragonite en en albâtre ( pl.VI ) , des figurines de même matière -notons une statuette de femme agenouillée (sans tête), un taureau couché également décapité ( pl.VII,2 ) , des amulettes de pierre et de coquille, en particulier des colombes et des poissons, des perles de pâte et de pierres semi-précieuses, des clous en terre cuite, des bobines, des fusaïoles, de grosses billes de pierre ou de bitume taillé - la trouvaille la plus intéressante a été celle d'une tablette de gypse rectangulaire (0m30 x 0m20) divisée en cases bleues, rouges et blanches ( pl.VII,3 ) ; sans doute destinée à un jeu analogue au jeu de l'oie. Nous n'avons recueilli que peu de métal ; une hache, deux burins, quelques épingles- à la base du niveau, nous avons trouvé des lames et des nucléi de silex ; de l'obsidienne - des masses d'armes ( pl.VII,1 ) et des poignées de cannes assez nombreuses en pierre- un aqueduc en briques crues à la base du niveau, a donné un fragment de brique inscrite de Kuk-Kirmesh, et des empreintes de cachets sur terre crue, des fragments de tablettes proto-élamites. Un élément de tranchée perpendiculaire, amorcé pour raviver les pentes d'un ravin creusé par l'érosion, a fourni également des fragments de tablettes de la même écriture. En dehors de la brique citée plus haut et qui se trouvait tout à fait à l'ouest de la fouille, il n'a pas été trouvé d'écriture cunéiforme et les cylindres assez nombreux étaient tous anépigraphes.

Les cylindres recueillis étaient : au niveau supérieur, généralement à décor floral et géométrique et se rencontraient avec des vases polychromes - au-dessous, avec des écuelles grossières, des cratères à quatre boutons, le décor comprenait des animaux, lions et buffles, des femmes agenouillées - plus bas les cachets étaient plats, parfois en forme d'animaux, avec une gravure à la bouterolle.

À la base du niveau les écuelles grossières étaient très abondantes ; nous en avons trouvé 74 ( pl.IX,2 ) , emboîtées les unes dans les autres (p. 6) et formant des cercles superposés.

Etage inférieur.

Nous avons creusé une longue tranchée d'environ 80 mètres de longueur, d'une profondeur de 2 mètres et d'une largeur de 7 m. à 10 mètres. Nous avons trouvé de nombreuses écuelles grossières, des vases ronds à bec ( pl.IX,1 ) , des vases à engobe rouge, des cratères à quatre boutons, des vases à anses torsadées ; en somme, la même coupe que dans le sondage I de l'Acropole. Nous avons recueilli des masses d'armes en pierre, des broyeurs à grains, des empreintes sur terre crue, quelques cachets plats. La trouvaille la plus curieuse a été celle de quatre épingles en cuivre dont les têtes représentaient de petits animaux. Notons encore un manche d'outil en os avec un personnage, grossièrement gravé. Nous avons commencé l'approfondissement de cette tranchée du côté des déblais et trouvé un curieux petit cratère décoré de peinture analogues à celles de Suse I, alors que la forme du vase est moins ancienne.

Ville Royale

Chantier I ( pl.X )

Le travail a commencé le 7 Janvier et s'est poursuivi jusqu'au 16 Avril. Il y a deux étages à suivre séparément de 5 mètres à 0m., de -0m à -7m.

Etage supérieur.

Au sommet, constructions arabes et sassanides. Nous avons trouvé dans les puits arabes des fragments de vaisselle en terre cuite émaillée ( pl.XI ) , des fioles de verre. La couche sassanide s'est épaissie vers l'intérieur du tell ; nous avons déblayé deux fours de potier de cette époque, recueilli des cachets en terre crue ( pl.XII, 2,3,4 et 5 et XIII,1 ) des figurines de terre cuite ( pl.XIII,4 ) , un médaillon en plâtre sculpté représentant en bas relief le combat d'un lion et d'un serpent ( pl.XII,1 ) ; citons encore (p. 7) des vases de terre cuite émaillée ou non, des figurines en os, dans des tombes d'enfants en jarres, et des colliers de perles. Un vase funéraire en terre cuite était fermé par une écuelle renversée ; il contenait les os d'un petit enfant - sur la panse, on remarquait une inscription à l'encre noire en caractères araméens. Nous avons écorné en fin de travaux une construction sassanide en briques cuites, reposant sur des fondations réalisées par un lit de graviers d'environ 0m,40 d'épaisseur. Nous avons déblayé deux aires cimentées en terre crue ; elles étaient entourées d'une bordure de 0m,20 de hauteur, au profil arrondi, et de terre crue enduite de ciment ; le sol était incliné vers un puits de drainage ; un réservoir circulaire avait été creusé dans un couloir prolongeant la plus grande des aires. Il ne semble pas que ces aires fussent entourées de murs ; du moins, la partie externe des bordures ne l'indique pas. Il s'agit d'un hammam ou d'un atelier.

Au-dessous, le niveau néo-babylonien était représenté par un grand tombeau voûté ; il avait été rencontré par les fondations sassanides, mais contenait encore des ossements et des vases de terre cuite.

Le niveau élamite a fourni trois tombeaux voûtés, plus ou moins effondrés ; -ils renfermaient des vases de terre cuite et quelques poids en hématite - de grandes jarres à moulures, ayant servi de citernes pour les travaux des potiers et réutilisées sur place pour l'enterrement des enfants. Près de l'une d'entre elles, se trouvait un vase de taille moyenne, absolument rempli de petits objets et débris d'objets, généralement en fritte émaillée. Il y avait de nombreuses perles en pâtes, des plaquettes carrées avec des trous, deux médaillons portant en relief, le symbole solaire. Des plaquettes rondes en fritte ou en bitume paraissent être des (p. 8) pions de jeu. Des plaquettes carrées en coquille, en bitume étaient sans doute incrustées dans des tablettes en pierre ou en bois. Des masses d'armes en pierre et en fritte étaient nombreuses, ainsi que des perles en pierre losangées et des cachets archaïques aux gravures bouterollées, généralement très effacées. Les pièces vraiment intéressantes étaient : une petite poupée en ivoire ( pl.XIV,1 et 2 ) , les cheveux indiqués par un quadrillage ; les yeux étaient autrefois incrustés ; le vêtement se compose d'une longue robe serrée à la taille par une large ceinture ; celle-ci se prolonge par devant en deux longues bandes verticales, sans doute cousues au pan gauche de la robe et reliés au pan droit par quatre patte cousues ou boutonnées. Les bras et les jambes étaient rapportés et manquent. Une petite statuette en pierre, d'environ 0m,10 de haut est sans tête ( pl.XIV, 3 et 4 ) ; les mains sont jointes ; le costume se compose d'une robe et d'un manteau. Une petite grenouille en aragonite. Dans ce niveau, nous avons trouvé de très nombreuses figurines en terre cuite, quelques tablettes en terre crue.

À la base du niveau se trouvaient des sarcophages et des vases funéraires de l'époque de Hammourabi, et plus au Sud, des tombes d'Our III. Nous avons recueilli une belle hache en cuivre ( pl.XV,2 ) un poids en roche noire en forme de canard ( pl.XV,3 ) , avec inscription de la valeur du poids et du nom du possesseur.

Plus près du bord du tell nous avons trouvé des jarres parthes, et au-dessous, des sarcophages des XXe et XXIIIe siècles avant notre ère. L'un d'eux était d'une forme nouvelle ( pl.XV,4 ) : c’était une cuve rectangulaire, les parois verticales renforcées de moulures horizontales. Le fond était percé de petits trous en deux rangées. Le couvercle, également en terre cuite était en quatre parties renforcées de moulures avec des points d'appui pour la manutention. (p. 9) Nous n'avons pas trouvé d'ossements ni d'objets à l'intérieur ; extérieurement, des vases de terre cuite avaient été placés comme d'habitude contre les parois.

Etage inférieur

Cette fouille a exploré une butte funéraire, coupée vers son milieu par la muraille de la ville achéménide. Cette butte avait un diamètre à la base de 40 mètres ; elle se relie vers l'est à une butte suivante ; celle-ci était un peu plus élevée. Les sarcophages du XXIIIème siècle avant notre ère se trouvant à 2m. plus haut. Nous avons trouvé dans nos recherches, les sarcophages des XXème et XXIIIème siècles avant notre ère ( pl.XVII,1 ) . Ils nous ont fourni des armes et des vases de cuivre, des vases de terre cuite, des cylindres cachets. Au-dessous ( pl.XVII,2 ) sur les flancs et sud de la butte, nous avons déblayé des tombes dans des fosses du XXVe. ( pl.XVII,3 ) ; l'une d'elles était particulièrement intéressante. Elle renfermait un vase en fritte émaillée ( pl.XVII,4 ) , d'une forme analogue à celle des vases en terre cuite du XXIIIème siècle, de nombreuses perles de même matière, très fragile ; une figurine de gazelle couchées de même matière, une bague en or, une sorte de douille en cuivre ( pl.XVII,4 ) , très analogue à des pièces de métal fréquentes dans les tombes du Luristan, deux coquilles en fritte émaillée, rappelant les vraies coquilles, trouvées dans les tombes de l'étage inférieur, et remplies de couleur. Une tombe des fouilles de Damgan (mission américaine du Dr. Schmidt) avait un mobilier très analogue. Nous avons eu peine à croire à une ancienneté pareille, mais une tombe voisine renfermait encore une perle de fritte semblable avec le mobilier ordinaire des tombes du XXVe siècle. Nous avons trouvé des vases de terre cuite de cette époque, vases à anse décorée de pastillages et à panse incisée, des coupes à pied, des marmites à panse décorée.

(p. 10) Dans la couche immédiatement inférieure, nous n'avons trouvé que peu de tombes en fosses à vases peints polychromes, à vases en terre cuite, décorés de bourrelets ; elles étaient directement sur le sol naturel ; elles étaient du reste riches en mobilier de vases de pierre, de cuivre ; elles contenaient des armes, poignards, haches et stylets de cuivre, miroirs, épingles de même métal ; une série d'épingles à longue tige présente des têtes en forme de têtes de taureaux ( pl.XVI ) et rappellent encore les longues épingles du Luristan ; nous avons encore trouvé pour la première fois des cuillères de cuivre à longs manches et présentant cinq dents, comme nos cuillères modernes à entremets. Nous avons recueilli de nombreux fragments de vases peints polychromes et deux vases complets très fragmentés ; le décor de l'un d'eux comporte une hyène, l'autre des oiseaux et le pentagramme. Ces tombes contenaient des perles de pierre et de pâte, mais ni cylindres ni tablettes inscrites. Ce sont les sépultures du XXVIIIème siècle avant notre ère.

Chantier II ( pl. XVIII )

Nous avons dû créer une sortie nouvelle pour les déblais ; les travaux proprement dits ont commencé le 18 Février, ont été terminés le 17 Avril.

Nous avons travaillé à trois niveaux : -3m,50 au-dessus de la voie de roulage, -4m au-dessous – et, avec les zembils, jusqu'au sol naturel de 4 m. à 6 m. au-dessous de cette voie.

Etage supérieur

Vers le Sud, sarcophages, vases funéraires du XXe siècle avant notre ère, vers le Nord, tombeaux voûtés et vases funéraires élamites. Nous avons recueilli de nombreuses figurines de terre cuite, des poids de balance en pierre, une perle en or, un gobelet en (p. 11) en albâtre, une gourde peinte élamite, des tablettes inscrites en terre crue, dont une vingtaine, bien conservées, dans un vase.

Etage moyen

Sarcophages et vases funéraires des XXe et XXIIIème siècles avant notre ère ; dans une tombe se trouvait un grand vase cylindrique en cuivre à rebords ; il renfermait une grande marmite à anse, qui contenait elle même deux écuelles et des instruments de même métal : trois houes, deux burins, deux outils, un fragment de scie ( pl.XX,1 ) . La marmite était fermée par un vase de cuivre retourné. Un petit vase de cuivre renfermait des perles de pierre, des épingles, des anneaux. Nous avons recueilli de ce chantier, des poids en hématite et des plateaux de balance, des poignards, des outils en cuivre, de nombreuses figurines de terre cuite, personnages, animaux, petits chars, des cylindres cachets, quelques tablettes inscrites.

Etage inférieur

Nous avons été déçu pour cette exploration, particulièrement intéressante l'année précédente ; deux tombes seulement du XXVème avant notre ère : quelques perles, une hache de cuivre, deux cachets. Signalons deux fragments de pions de jeux, en chaux sans, doute autrefois émaillés.

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Un déblaiement, à partir du sol naturel, entrepris à l'est du sondage précédent, sur 4m de hauteur et resté dans les couches sassanides ; nous avons trouvé des tombes en jarres et un sarcophage en terre cuite, de la poterie, des figurines. Parmi celles-ci, un médaillon avec un danseur-musicien en bas relief ( pl.XXI,4 ) . Signalons encore, une petite tête de statuette en albâtre ( pl.XXI,3 ) .

Donjon

( pl.XXIII , XXIV,1 et XXV,1 )

Nous avons employé là le gros de nos équipes.

Les travaux commencés le 7 Janvier, ont été arrêtés le 19 Avril. Il s'agissait de terminer le déblaiement des constructions sassanides, reconnues les deux précédentes campagnes.

Constructions sassanides. ( pl.XXV,2 )

Au sud-ouest, une grande salle aux fondations en briques crues, n'a pas été explorée davantage à l'est ; une construction moins importante a été suivie ; nous avons déblayé deux chambres de plus ; il n'en reste en tout que quatre chambres et nous n'avons rien recueilli comme indices d'utilisation.

L'édifice le plus considérable est au Nord des précédents. Nous en avions déblayé les dallages sans pouvoir reconnaître le plan général ; l'exploration des fondations nous a permis de plus précises conclusions. L'édifice mesurait environ 54 mètres sur 36 mètres. Les fondations d'une épaisseur de 2m50 et la largeur des murs extérieurs - 2m20 - laissent supposer une grande hauteur, mais il ne subsiste rien en élévation. La fondation comprenait sous les gros murs : un lit de gravier de 0m80 d'épaisseur, puis un dallage de carreaux de briques cuites et un massif de briques crues de 1m,75 de hauteur. Entre le sol affouillé et le massif, le remplissage avait été fait avec du gravier. L'épaisseur de ce gravier varie de 0m,15 à 0m,30 suivant les murs. On peut se demander si un revêtement de briques cuites n'aurait pas été posé sur ce gravier, car à certains endroits le massif de fondation de briques crues présente des rentrants vers l'intérieur, remplis de graviers ; ils ne peuvent guère s'interpréter que pour une liaison du revêtement avec le mur. Ils s'observent surtout de part et d'autre des portes. (p. 13) L'angle Nord-ouest du palais a complètement disparu dans la formation d'un grand ravin. L'entrée générale était au nord, vers la ville ; elle est indiquée par les fondations en gros blocs de pierres, amenés des ruine du palais achéménide, d'un mur barrant la presqu'île du donjon. Un deuxième mur, en avant du palais, permettait de trier les arrivants, de diriger les uns vers les communs, situés à l'Est vers le palais par une entrée directe. La porte principale, indiquée par un vestibule, était à l'est. En avant de cette porte étaient plusieurs cours et des bâtiments secondaires. Vers le palais, on passait un corps de bâtiment pour entrer dans une grande cour traversée par une allée, probablement couverte et dallée de carreaux de marbre. Cette cour était entourée d'appartements particulièrement importants vers l'Ouest. Deux portes sur la façade Sud, permettaient de se rendre vers les édifices secondaires dont nous avons parlé et de descendre dans la plaine par une grande porte à colonnes, précédant un escalier (voir le plan 1931).

Les fondations des murs des communs étaient réalisées au moyen de gros blocs de pierre, les cours extérieures étaient dallées en pierres. Tous ces matériaux provenaient des constructions antérieures, surtout du palais de l'Apadana, mais aussi des édifices parthes et élamites.

Parmi eux se rencontraient souvent des bases de colonnes inscrites au nom d'Artaxerxès et de Xerxès, des morceaux de fûts de colonnes et de chapiteaux ( pl.XXV,3 ) . Nous avons trouvé de nombreux fragments de plinthes ( pl.XXIX,1 ) en pierre arrachées au mur du palais ; la plupart sont cannelées et décorées d'une bande de marguerites ; d'autres montrent des fragments de bas-reliefs (p. 14) analogues à ceux qui décorent les escaliers du palais de Darius Ier à Persépolis. Notons en particulier, un griffon couché ( pl.XXVI ) , une femme au visage à demi voilé portant un canard dans ses mains relevées ( pl.XXVII ) , geste élégant encore en usage chez les femmes de Bender-Abbas. La partie inférieure d'un vêtement d'une femme suivant dans l'escalier un serviteur ( pl.XXVIII ) , dont il ne reste qu'une jambe. Citons enfin des pieds d'une suite d'archers exécutés en plus haut relief ( pl.XXIX,2 ) . Nous avons trouvé parmi les matériaux réemployés, deux bases de colonnes en calcaire blanc ; elles sont carrées et portent chacune une inscription grecque. Citons encore une longue dalle en calcaire blanc, dont une face porte une longue inscription grecque : lettre du roi parthe Artaban au gouverneur de Suse ( pl.XXX,1 ) . Plusieurs fragments d'inscription grecques sur des morceaux de marbre, trois inscriptions élamites fragmentées, dont l'une du roi Chilkhak, sur un fragment de carreau en aragonite rouge et jaune. Signalons encore des fragments de statues en marbre blanc : morceau d'un bras, un pied d'un travail assez poussé ( pl.XXX,2 ) , une tête fruste et endommagée en calcaire, enfin, un fragment d'un plat en pierre portant les dernières lettres d'une inscription dont nous avions trouvé, il y a deux ans, la partie moyenne.

Dans les dallages, nous avons trouvé quelques briques achéménides émaillées ou non ; parmi ces dernières, nous avons remarqué trois éléments de panneaux à relief de petits personnages : une tête de femme ( pl.XXXI,1 ) , le visage à demi voilé, un bras de femme tenant le bouton du couvercle d'un drageoir ( pl.XXXI,2 ) , une partie de vêtement. D'autre part, une brique représente le mufle d'un lion qui terrasse un taureau ( pl.XXXI,3 ) . La lutte du lion contre le taureau est (p. 15) fréquemment représentée aux temps achéménides et nous avons trouvé dans les terres une anse de plateau en cuivre sur laquelle est reproduite cette scène ( pl.XXXI,4 ) .

Notons un fragment du trône d'une statue royale archaïque, roche dure avec buste d'un suivant, vêtu du châle et du kaunakès ( pl.XXXII,2 ) .

Dans la fondation de graviers, a été recueilli par bribes un petit trésor, sans doute autrefois contenu dans une boîte : c'était un lot de pierres en or filigrané, en argent, en cornaline, avec de petites pendeloques en or. Il s'y trouvait mêlée une collection de petites monnaies d'argent ( pl.XXXII,1 ) , généralement phéniciennes, aussi de Lycie, d'Egypte, etc. Cette collection nous reporterait au IIIème siècle avant notre ère. Il est difficile cependant de supposer que même les fondations du palais remontent à cette date ; il faut plutôt croire à la cachette aux temps sassanides d'une trouvaille faite au moment de la construction du palais, soit sur l'Apadana soit sur le Donjon même. Dans les terres, nous avons trouvé de nombreuses pièces de monnaie de cuivre ( pl.XXXIII,1 ) , entre autres des monnaies d'Alexandre, représentant, au revers, le souverain tenant un aigle, devant lui, une tonnelle de pampres, rappelle la campagne des Indes. Ces belles pièces étaient sans doute primitivement argentées.

Sur le bord Est du tell, se trouvaient des ruines arabes, et un cimetière ; dans les piliers de fondations, nous avons remarqué des éléments de briques ayant servi à la construction de colonnes ; sur la face arrondie était un enduit de plâtre portant des graffitis incisés, d'autres à l'encre, de caractères araméens ( pl.XXXIIII,2 ) .

Au-dessous, nous avons reconnu la limite Est, du terrain aplani pour la construction du palais. Fondations d'un mur épais, elles comprenaient des murs en briques crues, alternant avec de la terre pilée - près du mur extérieur se trouvaient alignées des jarres à (p. 16) fond pointu, en deux rangs superposés.

Il est probable que le sommet de cette pointe de la Ville Royale était à l'époque sassanide, une plate forme carrée d'environ 110 mètres de côté.

Butte funéraire

Déjà, en fin de saison précédente, nous nous étions rendu compte par la découverte de deux tombeaux élamites que le noyau du Donjon était une butte funéraire. L'approfondissement de nos tranchées n'a fait que corroborer cette observation. Nous avons en effet déblayé de nouveaux tombeaux voûtés, les uns intacts, les autres, et ce fut le plus grand nombre, rasés par les travaux postérieurs. Nous avons recueilli dans le mobilier des vases peints élamites, quelques cylindres-cachets, des poids de balance, des perles, une écuelle d'albâtre, une bague en or, des fragments de clinquant d'or. Au-dessous, nous avons trouvé de nombreux sarcophages et des vases funéraires de l'époque d'Hammourabi ( pl.XXXIV,1,2 et 3 ) . Ces tombes ne sont généralement pas très riches ; nous avons recueilli quelques cylindres-cachets, des poids, des outils de cuivre.

Les figurines de terre cuite sont au contraire nombreuses à ce niveau ( pl.XXXV ) ; nous avons même trouvé deux moules complets. Les tablettes inscrites ont été rares ; cependant près d'un four de potier se trouvait un grand vase à moulures qui était rempli de terre à tablette ; les précieux documents de tout genre avaient été mis dans ce vase pèle mêle pour servir à de nouveaux usages, comme à notre époque on opère avec les vieux papiers ; nous avons pu recueillir seulement quelques débris. Au voisinage de ce même four, nous avons trouvé quelques tablettes entières et un fragment d'un petit bas-relief en terre crue ( pl.XXXVII,3 ) . On voit une déesse vêtue d'une robe de kaunakès ; elle élève les mains vers le symbole solaire. (p. 17) Devant elle, défile un troupeau de chèvres.

En résumé, à la profondeur de trois mètres, nous avons atteint sur toute la surface explorée le niveau du XXème siècle avant notre ère ; en aucun chantier de Suse, nous n'avons eu cette fortune sur un aussi large champ. La butte ayant encore une vingtaine de mètres au-dessus de la plaine, nous pouvons espérer trouver sur ce point la coupe complète de la nécropole de Suse.

Ravin du Donjon.

Ce chantier avait été ouvert la saison précédente au nord du Donjon ; il en est séparé par un ravin ; les flancs du ravin avaient été dressés et nous avions trouvé des restes de constructions sassanides et des sépultures. Nous avons poursuivi ce travail du 17 Janvier au 5 Mars.

Nous avons trouvé en surface quelques objets intéressants, en particulier un petit bas-relief (0m,14) sans doute achéménide ( pl.XXXVIII,3 ) . Il est sculpté sur un calcaire à grain fin et représente une gazelle passant. Citons encore une figurine en terre cuite, homme d'armes sassanide et un petit bas-relief en terre cuite de la même époque - femme debout près d'un autel ( pl.XXXVIIII,2 ) - un fragment de stèle achéménide ( pl.XXXIX,1 ) , un cachet gravé en quartz.

Au niveau inférieur, environ 5m. au-dessous du sommet, nous avons déblayé des sarcophages ( pl.XXXIX,2 et XL,2 ) et recueilli le mobilier ordinaire. Un vase contenait un lot de tablettes de contrats. Parmi les figurines trouvées assez nombreuses, citons une tête de statuette en terre cuite ( pl.XL,1 ) ; elle appartient à une divinité coiffée du haut bonnet à cornes.

Dans ce travail, nous avons eu l'occasion de couper les fondations du mur d'enceinte de la ville ( pl.XLI,1 ) . Elles avaient environ 7m. d'épaisseur. À l'extérieur, était un parement en briques cuites ; (p. 18) venait ensuite un mur en briques crues dont la fondation comprenait de la terre pilée autour de deux lignes parallèles de grandes jarres debout ; au-dessous des premières briques était un lit de tasseaux. En arrière, séparé du premier par de la terre pilée, un mur épais en briques crues. Parmi les briques cuites se trouvaient des briques émaillées achéménides. Il s'agit donc d'une réfection de l'enceinte au temps sassanide, probablement au moment de la construction du palais du Donjon.

Au voisinage de ces fondations, nous avons trouvé de nombreux fragments de figurines de terre cuite et de la poterie grecque. D'autre part, les jarres de fondation sont des jarres parthes, il est possible qu'il y ait eu une première réfection à une époque un peu postérieure aux séleucides.

Un petit ravin secondaire au précédent a été examiné ; on a trouvé deux tronçons de fondations de murs en briques cuites dont plusieurs étaient des éléments des panneaux émaillés achéménides. L'un d'eux montre deux pieds chaussés de sandales ( pl.XLI,2 ) ; l'une est bleue, l'autre jaune ; le bas d'une jambe est blanc, l'autre est blanc, avec des dessins bruns en chevrons. L'usage de chaussettes était donc familier aux soldats achéménides. Nous avons recueilli dans ce travail, un petit aigle en bronze d'époque sassanide ( pl.XLI,3 ) .

Divers

Un puits arabe d'abord visité par des gamins puis exploré par nous sur le bord de la ville royale, a donné deux lampes en cuivre ( pl.XLII et XLIII,1 ) et une boucle d'oreille en or filigrané ( pl.XLIII,2 ) , avec de petites chaînes, dans lesquelles étaient montées de petites perles. Ces dernières étaient complètement gâtées par leur séjour dans la terre.

Ville des Artisans

Ce chantier a été confié à la surveillance de Mr. J.M. Unvala.

Il a été en activité du 27 Février au 15 Avril.

Trois buttes ont été explorées.

Dans la première, on a rencontré d'épais massifs de briques crues avec un parement de briques cuites, dessinant un carré d'environ quinze mètres de côté. C'était sans doute la fondation d'un petit château au voisinage d'une porte de l'enceinte.

Une deuxième butte a montré une enceinte en briques crues entourant des bâtiments voûtés, en briques crues. Au centre, au-dessous du sol habité, on a trouvé de nombreuses sépultures d'enfants dans des jarres sassanides, recueilli des poupées en os ( pl.XLIV,1 ) , des lampes en terre cuite, des perles, des pièces de monnaie de cuivre et l'entrée d'un caveau souterrain ( pl.XLV,1 ) . On y aboutissait par un escalier étroit. Dans ce caveau, se trouvaient cinq squelettes ; plusieurs étaient étendus sur des banquettes construites près des parois. Une quarantaine de vases de terre cuite dont plusieurs émaillés ont été extraits ( pl.XLV,3 ) ; lampes, écuelles, cruches, gourdes, bouteilles dont quelques unes en verre.

Parmi les objets provenant de cette fouille, citons un petit médaillon en émail, une partie de moule de fondeur pour bijoux, quelques cachets, un petit hippopotame en hématite ( pl. XLV,2 ) , des pièces de monnaie ( pl.XLVI ) .

Dans l'exploration de la troisième butte on a suivi un long aqueduc sans résultat.

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